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The Quills
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25 septembre 2007

Chapitre V: Was It A Dream?

Shaolan s’arrêta enfin. Il ne savait pas où il était et n’avait, de toute façon, pas la tête à cela. Début devant un magasin, son attaché-case en main, il se repassait la scène qu’il avait eue avec celle à qui, il avait promis que seule la mort les séparerait. Que lui avait-il pris ? Ce n’était pas comme cela qu’il s’était imaginé cette séparation, mais comment alors ? Moins de larmes ? Plus de compréhension, de compassion ? Une poignée de main et un sourire désolé ? Tout mais pas comme cela venait de se finir à l’instant. Il était parti, la laissant seul, en pleure.

L’image de cette femme qui n’avait jamais montré aucun sentiment de faiblesse, là, à ses pieds, lui criant de rester le hantait désormais ; une vision qui lui semblait tout d’un coup surnaturel, plusieurs fois pendant le trajet qu’il avait effectué à pied il s’était surpris à penser que ce n’était que le fruit de son imagination encore endormie qui lui jouait des tours. Au finale il s’était résigné à y croire, ce n’était pas un rêve, il avait quitté sa femme, sans nul endroit où aller, sinon peut être son bureau.

Instinctivement son regard se porta sur la vitrine où il contempla non pas son reflet mais celui de la serviette qu’il avait en main ; non il avait un autre endroit où aller, un autre endroit où se réfugier et oublier grâce à son voyage sur les eaux du temps, ce début de matinée chaotique. Il lui fallait un endroit et vite, il ne pouvait assurément pas prendre le risque de disparaître en pleine rue, même si, dans le tumulte et les vas et vient des passants personne ne remarquerait cet anormalité. Il pressa le pas, le froid de l’hiver fouettant son visage ; il avait trouvé son lieu.

*~* ~*

Accompagnée de la mélodie aigue de ses talons contre les pavés, la jeune femme marchait dans les rues maintenant animées de Londres. Il faisait froid et afin de réchauffer sa peau blanche, elle accéléra le pas, ne prêtent aucune attention aux dames aux toilettes raffinées qui passaient près d’elle aux bras de gentleman ; Le Feather’s Soul serait bientôt à l’horizon, il suffirait de passer par cette ruelle, de longer le trottoir et de disparaître vers la droite pour y arriver. Les regards accusateurs s’effaceraient alors et le luxe des quartiers riche disparaîtra pour ne devenir qu’un rêve brumeux.

Toutes à ses pensées, Sakura ne vit pas le fiacre qui la suivait. Lentement, le cochet faisait avancer les cheveux au trot pour ne pas perdre la japonaise de vue. L’ordre lui en avait été donné, et il ne devait en aucun cas se faire voir de la jeune femme.

*~* ~*

Shaolan était debout de l’autre côté de la rue. De son trottoir, il observait depuis quelques minutes l’enseigne défraîchit dont le sens des trois premières lettes ne lui était désormais plus inconnu, même s’il ne comprenait pas vraiment comment deux lieux à l’époque différentes, dans des villes différentes pouvait avoir le même nom. Encore un mystère à ajouter à la longue liste qui venait d’apparaître dans sa vie, monotone et ennuyante il y avait encore deux jours de cela.

D’un pas décidé, il traversa et se posta devant la porte de la petite librairie, sa main gauche sur la poignée cuivrée. La porte s’ouvrit sous le tintement joyeux de la clochette en argent et la pièce poussiéreuse se dessina sous les ambres du jeune homme. Mais quelque chose attira immédiatement son attention, quelque chose qu’il ne lui semblait pas avoir vu lors de sa première visite dans la petite échoppe ; sur une des étagères vident, un livre était posé contre le bois, formant un triangle aux côtés multicolore, un contraste frappant entre le marron du meuble et le jaune criard de l’œuvre.

Shaolan porta ses mains sur le livre et se surprit à ressentir la même chose qu’au touché du livre qu’il avait en sa possession, dans son attaché case, posé à ses pieds. Examinant la couverture, il n’y remarqua aucune inscription apparente. Il décida donc de l’ouvrir. Sur la première page, d’un blanc quelque peu grisâtre, il n’y avais rien non plus, puis une deuxième, tout aussi vide, une troisième similaire, encore une quatrième et pas une ligne n’était inscrite. Il fit défiler les pages plus vite mais aucune trace d’encre ne transparaissait, jusqu’à ce qu’il arrive à la toute dernière page. Là, non pas de l’écriture mais une photo reposait entre la page et la couverture du livre.

En noir et blanc, le diapositif n’était pas d’une netteté limpide. Traversée de craquelure blanchâtre ici et là, sept femmes se tenant devant la porte d’une église, entourant un couple de jeunes mariés. Le jeune homme identifia l’une des demoiselles d’honneur qui posaient sur le papier aux bords cartonnés. Sa belle des nuits Londoniennes d’un autre temps ; Sakura. Elle se tenait au bout de l’image, souriante dans une tenue beaucoup moins provocante que celle qu’elle portait la vieille au soir, il remarqua que c’était le cas des autres filles dont l’une d’elle ne lui était pas étrangère. Il lui devina des cheveux roux et ainsi reconnut la jeune femme qui l’avait accosté à Whitechapel. Etait elle l’amie de la jeune femme ? Peu importe. Il se saisit du cliché et le retournant lu l’inscription qui y figurait.

« En souvenir d’un 15 juin 1887, Merci de votre présence.

Tendresse, Anne. »

Un an et quelques mois avant sa visite du passé. C’était la preuve qu’il n’avait absolument pas rêvé. Une confirmation dont il ne savait pas s’il devait se réjouir ou le contraire. Son doigt se posa sur la photo de la jeune femme et fit le tour de son visage. Elle paraissait si insouciante sur l’image qu’il en sourit. Il reposa le négatif dans le livre et se dirigea vers le comptoir. Le son de la sonnette retentit mais aucune voix ne s’éleva de l’arrière boutique. Shaolan recommença mais pas un signe de la vieille femme. Intrigué, il fit le tour du comptoir et se retrouva devant une petite porte où il toqua. Toujours rien. Quelque peu inquiet, il tourna la poignée et se figea sur place ; la pièce était vide et plongée dans le noir.

Il s’écarta de l’endroit, revenant dans la pièce principale. Sur le comptoir plus aucune trace du livre jaune. Seule, la photo attendait docilement son nouveau propriétaire. L’angoisse s’empara du jeune homme qui soudainement sentit la peur le prendre aux tripes. Lentement, il prit l’image entre ses mains, et comme une réponse à son soudain état de crainte, il vit que l’une des jeunes femmes venait de disparaître du négatif, laissant à sa place une tache noirâtre.

*~ * ~*

Dans l’obscurité d’une chambre miteuse, sur un lit grinçant, les gémissements de la jeune femme accompagnaient le bruit des ressorts du matelas de fortune. La chevelure miel voletait au rythme des mouvements de bassin de la jeune femme nue à chevale sur l’homme à la figure rougie par l’effort et au corps ruisselant de sueur. De ses mains grasses aux doigts boudinés, il palpait avec envie les seins de la catin.

- Ah toi ! tu aimes ça espèce de chienne hein ! s’exclama t il en pinçant violemment ses mamelons.

Pour seule réponse à la voix rauque et méprisante, la jeune femme grimaça mais ne s’arrêta pas. Ses mains posées sur le torse parsemé de poils noirs et drus, elle enfonça ses ongles dans la peau de son client qui se redressa immédiatement, la giflant de toutes ses forces.

- Putain ! Tu va me le payer espèce de garce !

Tout en s’écriant, il la gifla furieusement. Ce geste fit tomber la jeune femme sur le planché, où le pied de l’homme la frappa au ventre, puis s’aidant de ses poings, il enchaîna les coups. Il la saisit par les cheveux et abattis brusquement son crâne contre le sol. La fille de joie ne cria pas, elle savait qu’elle ne ferait pas le poids face à ce monstre, beaucoup plus robuste, plus large qu’elle, roulé en boule, elle se protégeait à l’aide de ses bras. Mais plus elle gardait sa douleur au fond d’elle, plus l’homme intensifiait ses assauts ; plus brutaux, plus puissants, plus réguliers.

- Catin ! Je vais t’apprendre ! Regarde ce que tu m’a fais ! Gueuse ! Déchet ! tu n’es bonne qu’à être battu chienne !

Les bleus la couvraient entièrement, ses larmes ne tenaient plus sur ses paupières et misérablement, elle les laissa couler le long de ses joues. A cette vue, l’homme s’arrêta, visiblement satisfait. D’un regard dégoûté, il gratifia le corps gisant à ses pieds d’un dernier coup, puis la laissa, allant se rhabiller dans un coin de la pièce dédaignant la jeune femme qui ne bougeait pas.
L’homme passa près du corps et cracha sur la jeune femme avant de lui lancer deux piécettes qui tintèrent contre le sol, puis, il quitta la chambre malodorante, baignant le corps de lumière pendant un instant.

Péniblement Sakura se hissa tant bien que mal sur le lit et s’y affala. Bien vite, des larmes plus lourdes tombèrent sur les draps défaits et sales. Elle fixait le vide, son regard émeraude s’assombrit encore. Une autre brisure en son âme, une nouvelle part de femme qui s’envolait. Ce n’était pas le premier, ce ne serait sûrement pas le dernier. Elle aurait préféré qu’il l’achève une fois pour toute, pour ne plus connaître cette misère qui la rendait esclave d’hommes qui l’utilisait à leur guise pour la jeter aussitôt. Tous pareils, tous…

Deux ambres se dessinèrent dans les ténèbres. Le mal en elle grandit davantage ; ces yeux là l’avaient abandonnée, il y avait un mois de cela. Ces yeux qu’elle avait cru pur, ces yeux à qui elle s’était dévoilée, ces yeux qu’elle avait aimé…du moins, quand ils étaient posés sur elle, sur la femme qu’elle était et qui s’effaçait de plus en plus au fil des jours, au fil des clients, au fil des coups.

- Shaolan…t’ai-je rêvé… ?

Sombrant dans la douleur, se noyant dans son chagrin, elle succomba dans la faiblesse du sommeil.

Derrière la fenêtre à la vitre crasseuse, la personne eut un sourire triste. Rajustant son capuchon sur ses cheveux, elle fit le tour et ouvrit la porte de la chambre. Elle resta un moment dans le noir, fixant le corps meurtri de la jeune femme. L’individu soupira en hochant la tête puis se dirigea vers le lit.

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