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The Quills

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25 septembre 2007

Chapitre VI: The Sweetest Rebirth

Shaolan s’assit à même le sol et ouvrit sa serviette. Prestement, il en sortit le livre à l’inscription argentée, et vérifiant qu’il avait bien la photo en sa possession, ouvrit l’œuvre. Devant lui, les lignes noires et constantes apparurent. Il ne prit même pas le temps de les lire, attendant simplement qu’elles s’évaporent comme les autres fois. Mais les minutes s’écoulaient et rien ne se passait. Les phrases étaient toujours sous ses yeux, le narguant. Perplexe, il tourna la page et y découvrit la suite du texte. Il avança, faisant défiler les pages et ses yeux ne rencontraient toujours que des lignes…encore des lignes…toujours des lignes…

- Non…allez marche saleté…allez je dois y retourner…disparaissez merde !

Pris de rage il envoya le livre valsé au loin. Adossé contre le comptoir il fixait le bouquin, toujours ouvert entre ses pages écrites, désespérément.

- C’est pas possible…fait chier!

Soudain, les lignes commencèrent à s’effacer, les pages tournèrent comme poussées par un vent invisible. Voyant cela, Shaolan se précipita vers le livre juste au moment où les dernières lignes s’estompaient et s’en saisit.

L’odeur d’encens réveilla le jeune homme qui se redressa, un peu sonné. Il posa son regard sur le lieu où il était arrivé, lieu qu’il devenait déjà ne pas être Whitechapel : Il était dans une église. Petite, aux murs blancs et aux grandes fenêtres dotées de vitres représentant dans un assemblage multicolore de vert, jaune et bleu, la vierge marie et d’autres figures emblématiques catholiques.

Shaolan fronça les sourcils en sortant de la rangé de banc où il était apparu. Devant l’autel, il remarqua une silhouette agenouillée devant le crucifie, dans un habit noir et blanc.
Une bonne sœur qui visiblement s’appliquait à ses prières. Tournant les talons, le jeune homme se dirigeait vers les portes ouvertes quand une voix l’interpella :

- Vous êtes bien loin de chez vous mon fils…

Cette voix…Shaolan se retourna vivement et resta stupéfait. La religieuse lui souriait doucement, les mains jointes sous son habit, une petite croix en argent pendu au niveau de sa poitrine.

- Tomoyo ?!
- Sœur Clarence mon fils. L’interrompit la vieille femme d’une voix douce.
- Mais…
- Vous vous posez encore des questions dont vous n’avez nullement besoin mon fils.

Au fur et à mesure qu’elle parlait, le jeune homme se rapprochait de l’autel, près duquel la vieille femme était toujours debout, le gratifiant de ce sourire calme et serein qui l’agaçait. Elle ne lui donnait aucune explication et semblait même prendre plaisir à le voir se morfondre dans ces questions qui hantaient son esprit en ce moment même.

- Posez vos questions mon fils.
- Comment voulez vous que je le fasse alors que vous vous bornez à m’interrompre dès que je tente de m’exprimer !
- Le temps passe si vite mon fils, et vous en manquez cruellement, je ne fais que vous économiser des moments que vous pourriez mieux occuper, soyez en sur.
- Que voulez vous dire par là ? Pourquoi le temps me manquerait il ? Tant que le livre est en ma possession je suis libre d’aller et repartir quand bon me semble.
- Où est il mon fils ? Demanda t elle, son regard prune s’illumina d’une lueur de malice.

Frappé d’effroi, Shaolan tourna la tête vers la rangée de banc où il était auparavant et s’y précipita immédiatement. Il passa promptement entre les sièges mais ne trouva rien. Sentant l’angoisse montée en lui, il se traversa l’autre rangée, puis une autre, mais en vain.

- Où est il ? je suis sûr que c’est vous qui l’avez pris ! Rendez le moi ! s’écria t il.

Sa voix se répandit en écho dans la petite chapelle silencieuse, mais la religieuse ne sembla pas s’en formaliser. Toujours aussi stoïque, elle soutenait le regard ambre enflammé par la colère sans ciller.

- Je n’y suis pour rien, le livre ne veut plus de vous.

Elle laissa passer quelque minute, comme pour que le jeune homme puisse comprendre tout le sens de cette phrase puis continua :

- Vous avez dû le remarquez non ? Quand vous avez souhaité revenir, le livre n’a pas voulu n’est ce pas ?
- J’ai pensé que c’était simplement une erreur…murmura t il, plus pour lui-même qu’en réponse aux questions de la vieille femme.
- Etes vous sûr de savoir ce que vous désirez vraiment Shaolan ?

Sans attendre de réponse, la sœur se signa, et fit quelque pas, s’éloignant du jeune chinois, toujours à ses pensées. Que voulez t il ? Si le livre ne voulait plus le ramener vers ce passé qui était sensé lui faire connaître un nouveau sens à sa vie, alors peut être que lui-même ne le voulait pas…

- Attendez ! s’exclama t il en se retournant vers la religieuse

Mais seule sa propre voix lui répondit ; Il n’y avait plus aucune trace de la vieille femme.

Que faire ? Sans le livre il ne pouvait pas revenir dans son présent. Il devait retourner au Queen Gate, là bas, il avait le sentiment de trouver sa réponse. Décidé, il quitta l’église.

Le fiacre venait de s’arrêter devant le manoir aux pierres ocres, faisant tomber le marche pied dans ce bruit métallique, désormais familier. Le jeune homme s’empressa de descendre. Il tendit prestement deux piécettes au cochet puis monta les quelques marches vers l’entrée.

A peine avait il esquisser un geste vers la poignée que la porte de bois s’ouvrit d’elle-même, laissant voir la silhouette légèrement incliné vers l’avant, dans un geste de respect envers le propriétaire des lieux, qui pénétra dans la pénombre du vestibule.

- Vous revoilà maître, nous vous attendions. S’exclama la servante en se redressant.

Shaolan ne sut s’il devait encore s’en étonner ; devant lui, nulle autre que la vieille femme aux yeux souriant de malice. Il était las de ce petite jeu, dans la voiture il avait eu tout le loisir de repenser à toute cette histoire et en était arrivé à la conclusion qu’il ne désirait que revoir la jeune femme aux cheveux miel, lui reparler, sentir ce désir se répandre de ses veines, le refaisant revivre, lui apportant cette douce chaleur et avec elle, ce sentiment de danger, d’interdit qui l’enivrait plus que tout.

- Monsieur ? Désirez-vous dîner ? Demanda la servante toujours debout devant lui.

Le jeune chinois fusilla la veille femme du regard, lui intiment silencieusement de cesser ce jeu qu’il avait en horreur depuis le début de cette matinée.

- Où est-elle ?
- Vous ne devriez pas la voir pour l’instant. Répondit Tomoyo, reprenant son ton calme mais ferme.
- Je n’ai point besoin de vos conseils, vous ne désirez pas répondre à mes questions, soit, je ne vous en poserais plus, alors laissez moi faire ce qui me semble le mieux et ainsi nous serons tous les deux satisfaits.

Disant cela, il se dirigea vers l’escalier en bois, donc les marches étaient revêtues d’un tapis rouge, ressemblant à celui du salon.

- Shaolan non !

S’exclamant, la veille femme le suivit à l’étage, le retenant par le bras, ne perdant pas pour autant son calme, mais sa voix marquait néanmoins une pointe de colère.

- Vous allez m’écouter avant de la voir, vous n’apprécierez sans doute pas l’état dans lequel votre adorée ce trouve.
- Ce n’est pas mon…comment cela ? S’exclama t il sentant l’inquiétude l’envahir.
- Venez, je vais vous expliquez.

Elle le guida jusqu’à une chambre et le faisant entrer, referma la porte sur eux. Le jeune homme, fronçant les sourcils, pris une des chaises postées devant la cheminée au feu crépitant. S’essayant devant lui, la servante entreprit de lui compter les dernières péripéties de la péripatéticienne.

La porte grinça légèrement quand il l’entrouvrit. Sur le lit à demi éclairé par les flemmes dansant dans l’âtre, il devinait la silhouette endormie entre les draps de satin. Lentement il referma la porte derrière lui et fit quelques pas vers le baldaquin aux rideaux jaunes en soie.

D’une main, il écarta l’un des pans du tissu transparent et ses yeux rencontrèrent le visage endormi de la jeune femme. Un voile de tristesse et de colère passa dans ses prunelles chocolat. La fureur qu’il avait ressenti au récit de la veille femme ne s’était pas entièrement estompée, il avait eu envie de se précipiter dans le quartier de débauche à la recherche de celui qui avait eu l’audace de s’attaquer à sa belle.

Il ouvrit le rideau un peu plus, laissant les flemmes de la cheminée éclairer les traits de la londonienne. La peau pêche était marquée de bleus, s’inclinant, il déposa un baiser sur la joue meurtrie. Les paupières closes frémirent un instant, et les émeraudes croisèrent l’ambre. Immédiatement le sommeil se retira du regard de Sakura qui s’enflamma de colère, se redressant prestement, elle gifla le jeune chinois.

Ils s’affrontèrent un moment du regard puis la jeune femme avança sa main une seconde fois pour l’abattre contre la joue de Shaolan mais celui-ci la retint avant qu’elle ne le touche. Ce geste la mit en colère et de son autre main elle martela le torse du jeune homme de son poing. Shaolan la laissa faire, la culpabilité coulait en lui au rythme du sang dans ses veines.

- Je te hais, je te déteste ! Répétait la jeune femme entre ses larmes.

Aux yeux du jeune chinois, le seul vrai coupable c’était lui. Il l’était de n’avoir pas été près d’elle, il l’était d’avoir ouvert ce maudit livre, il l’était d’avoir laissé le mensonge s’immiscer dans sa vie de couple, il l’était d’avoir gâché sa vie…et maintenant la sienne.

Alors il la laissa faire, elle le frappa, encore et encore, de plus en plus violement, les larmes roulant sur ses joues et lui ne bougeait toujours pas. Et puis, les coups perdirent de leur intensité, faisant redoubler les sanglots étouffés de la londonienne. Doucement elle finit par poser sa tête contre le ventre du jeune homme, enserrant sa taille de ses bras.

- Je te déteste…te déteste…murmura t elle.

D’une geste maladroit il caressa les cheveux de la jeune femme, fixant le vide devant lui, il continuait à se maudire en silence. Chaque larme avait été une lame enfoncée plus profondément dans ses veines emplie de cette amère culpabilité.

- Pourquoi…pourquoi m’as-tu laissé ?

Shaolan baissa le regard vers la londonienne qui gardait toujours sa tête posée contre lui. Cette question, qui n’en était pas vraiment une, suffit à le sortir de cet état second, et doucement, il l’obligea à le regarder, ce qu’elle fit. Les larmes qui inondaient encore ses yeux verts brillaient dans la faible lueur des flammes approfondissant encore plus le sentiment de fragilité qui se dégageait d’elle, faisant oublier ce qu’elle était aux yeux des autres ; personne, en voyant la jeune femme dans cet état n’aurait pu croire que la rue était son métier.

Lentement, se pencha vers elle et déposa ses lèvres sur celle de Sakura qui ne le repoussa pas. Approfondissant l’échange il s’assit sur le bord de l’immense lit, précautionneusement, poussa la jeune femme à reposer sa tête sur les oreillers. Les cheveux miels de répandirent sur le tissu blanc. Aidé de ses mains mises de par et d’autre du visage de la fille de joie - de façon à être au dessus d’elle sans pour autant lui faire supporter son poids – il l’embrassa tendrement puis, avec toute la douceur dont il était capable, il s’écarta d’elle.
Sakura le regarda s’éloigner avec crainte ; Non si c’était un rêve elle ne voulait en aucun cas qu’il prenne fin aussi subitement. Le rattrapant par le poignet, elle le supplia du regard. Pour tout réponse le jeune homme lui adressa un sourire confiant.

Cela lui suffit, et elle se détendit quelque peu, mais bien vite la jeune femme se crispa quand Shaolan ôta les draps qui recouvraient son corps nu mais surtout meurtrie. Elle essaya vainement de l’en empêcher mais d’un regard tendre et enflammé, il lui fit comprendre que tout irait bien. Gênée, honteuse, le rouge aux joues, Sakura n’osa pas croiser les yeux du jeune homme qui embrassaient sa nudité. Des bleus la recouvraient presque entièrement, entrelacés de bandage d’un blanc immaculé contrastant avec la couleur pêche de sa peau. Se déchaussant, Shaolan monta sur le lit, au bout, à ses pieds, faisant face au corps si fragile allongé sur le lit de plume.

- Regarde-moi… Sakura.

D’une voix chaude et douce, le souhait fut exaucé avec une certaine timidité. Sakura leva les yeux vers le jeune homme qui lui souriait tendrement, une lueur familière dansant dans ses prunelles.

- Ne ferme point les yeux, regarde moi encore…regarde moi….

Faiblement elle acquiesça. Ainsi, Shaolan se pencha sur ses jambes nues, déposant ses lèvres sur les bleus qui marquaient celles-ci. Lentement, il remonta, pansant les marques disgracieuses de ses baisers chauds, arriva aux cuisses de la jeune femme mais ne s’y attarda pas, remontant encore plus, sur son ventre bandé. Doucement il écarta ses bras bleuis, se plaçant au dessus d’elle, toujours soutenu par ses mains sur le lit afin de ne pas relancer la douleur des blessures. Ses lèvres remontèrent le long des seins de la londonienne où il s’attarda un peu plus sur les deux mamelons blessés, léchant les plaies encore douloureuses. Puis ses baisers dérivèrent sur ses épaules continuant le long de son bras droit finissant par la paume de sa main. Se redressant, il posa son regard sur Sakura, qui suivait ses moindres gestes guérisseurs des yeux. Ne brisant pas ce lien invisible, Shaolan déposa ses lèvres amoureuses dans la paume gauche de la jeune femme, remontant vers son épaule, puis le long de son cou, enfin vers sa joue pour échouer sur ses lèvres impatientes et tremblantes de désir.

- Te sens tu la force de te retourner ?

Pour seule réponse, elle lui sourit, se redressant péniblement sur ses mains, elle se plaça sur le ventre, offrant au jeune homme son dos dont la peau pêche n’était pas moins coti. Passant ses mains sous son ventre pour atténuer la douleur, elle ferma les yeux, son visage emprunt à une sérénité telle qu’on l’eues cru endormie.
Se postant sur le côté, le jeune homme assit observa les plaies pendant un instant puis, souffla lentement sur la peau bleuie. D’un souffle chaud, doux, embrassant par endroit les meurtrissures que ses lèvres croisaient. La douleur s’estompant lentement, Sakura se sentait revivre sous ces caresses guérisseuses.



Le feu se consumait lentement dans le foyer. À la lueur orange, les deux amants étaient allongés sur l’immense lit, la tête de la jeune femme reposant docilement sur le torse de Shaolan, qui caressait la chevelure miel doucement. Il cessa un instant, l’obligeant à rencontrer son regard. En souriant, il écarta quelques mèches miel du visage tuméfié.

- Seigneur que tu es belle…souffla t il.

Sakura ferma les yeux, tournant la tête vers la cheminée.

- Ne dit point de sottise, je suis laide, …je suis sale, regarde mon visage, il est…

Il l’interrompit en caressant sa joue doucement.

- Regarde-moi…

Elle s’exécuta, de nouvelles larmes perlant aux coins de ses yeux.

- Je te vois, je te contemple et tu es magnifique Sakura…une fleur de cerisier est toujours belle…même quand elle se fane...
- Alors réponds-moi, pourquoi m’as-tu laissé…tu m’avais assuré ton retour, et tu es là mais un mois s’est écoulé depuis ta promesse Shaolan, un mois est une éternité dans la rue…tant de choses se passent en un mois…tant de choses changent en un mois…

Cette révélation laissa le jeune homme sans voix ; un mois. Comment cela se pouvait-il ? Il n’avait disparu que quelques heures pourtant. Le temps était donc plus rapide dans sa course dans ce passé. Que faire ? Lui expliquer ? Lui mentir ? La deuxième solution était la plus envisageable s’il ne voulait pas voir sa belle s’enfuir en courant, ou pire croire qu’il se moquait d’elle. Mal à l’aise, il se résigna à cacher la vérité, du moins, pour le moment se promit-il.

- J’ai dû repartir auprès de ma mère qui est placée dans une maison de repos en France. Expliqua-t il avec une facilité qui le déconcerta lui-même.
- Oh…elle va bien ?
- Oui oui, ne t’en inquiète pas. Assura-t il avec un sourire, en lui caressant la joue.
- Tu as de la chance de l’avoir, …j’espère que tu en es conscient !

Elle avait beau cacher la tristesse de ce début de phrase avec le ton de la suivante qui se voulait menaçant, Shaolan s’en rendit compte immédiatement.

- Je pense qu’elle t’apprécierait beaucoup. Tu la rencontreras un jour, promis.

« De toute façon, elle ne peut pas réagir pire que Lya » Pensa t il amèrement.

- NON !

Cette réponse si brutale fit sursauter le jeune homme. Sakura s’était redressée vivement, grimaçant de douleur, mais le fixait, déterminée.

- Ne fait point de promesses que tu ne pourrais tenir. Je ne suis pas stupide Shaolan, certes, je suis une miséreuse et, je ne connais rien du beau monde, mais je sais que ta mère n’acceptera jamais une catin au sein de sa prestigieuse famille, alors non, je ne la rencontrerais point. S’exclama-t elle.

Shaolan resta silencieux durant un moment, ne quittant pas la londonienne du regard. Il avait oublié ce qu’elle était dans ce temps lointain. À ses yeux, cette jeune femme au corps enivrant était plus pure que toutes les vierges du présent, plus majestueuse et plus forte que ces reines et ces princesses que sa mère lui avait présentées, espérant par un heureux miracle un amour immédiat entre les deux parties. Il avait cru, il avait été sûr de trouver chez Lya les mêmes qualités, mais, au final, il avait découvert que ce n’était pas le cas et que l’hôtesse de l’air n’avait aimé de lui que cet argent qu’il avait étalé pour la convaincre de l’accepter.

Frappé par une vérité qui lui semblait soudain pourtant si évidente, il se rendit compte que c’était lui qui avait fait germer cette cupidité presque maladive dans l’âme de cette autre femme. Lui…lui et son envie de l’avoir. Lui et son envie d’être aimé. Il avait joué avec le feu en lui montrant son compte en banque au lieu de son âme et voilà où ils en étaient à présent ; au bord du divorce. Une grave erreur, une erreur irrémédiable qui lui avait valu de gâcher deux années de sa vie, et celle d’une femme qu’il avait pourtant aimée de tout son cœur.

« Mon dieu…Qu’ai-je fait ? » Pensa-t-il ahurit.

- Shaolan…qu’as-tu … ? Demanda Sakura effarée.

Il pleurait. Silencieusement, amèrement, douloureusement il pleurait. Ses larmes glissaient lentement le long de ses joues pour venir mourir ses les draps défaits. Le regard brisé, les mains tremblantes il semblait dans un autre lieu, dans un autre temps. Il comprenait enfin ce qui clochait dans ce couple qu’il avait pourtant tant souhaité, ce n’était pas sa femme, c’était lui. Vérité cruelle, sincérité brisante, toutes les choses qu’il avait reprochées à cette femme n’étaient qu’illusion, tout était de sa faute, il l’avait ainsi changé, il l’avait ainsi épousé.

Brusquement il se jeta entre les bras de Sakura, l’enlaçant avec force sans pour autant ranimer la douleur de ses côtes brisées. Surprise, la jeune femme ne sut que faire. Cette soudaine fragilité mêlée à cette souffrance dans le regard du jeune l’avait prise de court. Maladroitement elle caressa les cheveux indisciplinés dans un geste tendre tandis que Shaolan blottit en son sein à la manière d’un enfant, laissait libre cours à ses larmes d’absolution.

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25 septembre 2007

Chapitre V: Was It A Dream?

Shaolan s’arrêta enfin. Il ne savait pas où il était et n’avait, de toute façon, pas la tête à cela. Début devant un magasin, son attaché-case en main, il se repassait la scène qu’il avait eue avec celle à qui, il avait promis que seule la mort les séparerait. Que lui avait-il pris ? Ce n’était pas comme cela qu’il s’était imaginé cette séparation, mais comment alors ? Moins de larmes ? Plus de compréhension, de compassion ? Une poignée de main et un sourire désolé ? Tout mais pas comme cela venait de se finir à l’instant. Il était parti, la laissant seul, en pleure.

L’image de cette femme qui n’avait jamais montré aucun sentiment de faiblesse, là, à ses pieds, lui criant de rester le hantait désormais ; une vision qui lui semblait tout d’un coup surnaturel, plusieurs fois pendant le trajet qu’il avait effectué à pied il s’était surpris à penser que ce n’était que le fruit de son imagination encore endormie qui lui jouait des tours. Au finale il s’était résigné à y croire, ce n’était pas un rêve, il avait quitté sa femme, sans nul endroit où aller, sinon peut être son bureau.

Instinctivement son regard se porta sur la vitrine où il contempla non pas son reflet mais celui de la serviette qu’il avait en main ; non il avait un autre endroit où aller, un autre endroit où se réfugier et oublier grâce à son voyage sur les eaux du temps, ce début de matinée chaotique. Il lui fallait un endroit et vite, il ne pouvait assurément pas prendre le risque de disparaître en pleine rue, même si, dans le tumulte et les vas et vient des passants personne ne remarquerait cet anormalité. Il pressa le pas, le froid de l’hiver fouettant son visage ; il avait trouvé son lieu.

*~* ~*

Accompagnée de la mélodie aigue de ses talons contre les pavés, la jeune femme marchait dans les rues maintenant animées de Londres. Il faisait froid et afin de réchauffer sa peau blanche, elle accéléra le pas, ne prêtent aucune attention aux dames aux toilettes raffinées qui passaient près d’elle aux bras de gentleman ; Le Feather’s Soul serait bientôt à l’horizon, il suffirait de passer par cette ruelle, de longer le trottoir et de disparaître vers la droite pour y arriver. Les regards accusateurs s’effaceraient alors et le luxe des quartiers riche disparaîtra pour ne devenir qu’un rêve brumeux.

Toutes à ses pensées, Sakura ne vit pas le fiacre qui la suivait. Lentement, le cochet faisait avancer les cheveux au trot pour ne pas perdre la japonaise de vue. L’ordre lui en avait été donné, et il ne devait en aucun cas se faire voir de la jeune femme.

*~* ~*

Shaolan était debout de l’autre côté de la rue. De son trottoir, il observait depuis quelques minutes l’enseigne défraîchit dont le sens des trois premières lettes ne lui était désormais plus inconnu, même s’il ne comprenait pas vraiment comment deux lieux à l’époque différentes, dans des villes différentes pouvait avoir le même nom. Encore un mystère à ajouter à la longue liste qui venait d’apparaître dans sa vie, monotone et ennuyante il y avait encore deux jours de cela.

D’un pas décidé, il traversa et se posta devant la porte de la petite librairie, sa main gauche sur la poignée cuivrée. La porte s’ouvrit sous le tintement joyeux de la clochette en argent et la pièce poussiéreuse se dessina sous les ambres du jeune homme. Mais quelque chose attira immédiatement son attention, quelque chose qu’il ne lui semblait pas avoir vu lors de sa première visite dans la petite échoppe ; sur une des étagères vident, un livre était posé contre le bois, formant un triangle aux côtés multicolore, un contraste frappant entre le marron du meuble et le jaune criard de l’œuvre.

Shaolan porta ses mains sur le livre et se surprit à ressentir la même chose qu’au touché du livre qu’il avait en sa possession, dans son attaché case, posé à ses pieds. Examinant la couverture, il n’y remarqua aucune inscription apparente. Il décida donc de l’ouvrir. Sur la première page, d’un blanc quelque peu grisâtre, il n’y avais rien non plus, puis une deuxième, tout aussi vide, une troisième similaire, encore une quatrième et pas une ligne n’était inscrite. Il fit défiler les pages plus vite mais aucune trace d’encre ne transparaissait, jusqu’à ce qu’il arrive à la toute dernière page. Là, non pas de l’écriture mais une photo reposait entre la page et la couverture du livre.

En noir et blanc, le diapositif n’était pas d’une netteté limpide. Traversée de craquelure blanchâtre ici et là, sept femmes se tenant devant la porte d’une église, entourant un couple de jeunes mariés. Le jeune homme identifia l’une des demoiselles d’honneur qui posaient sur le papier aux bords cartonnés. Sa belle des nuits Londoniennes d’un autre temps ; Sakura. Elle se tenait au bout de l’image, souriante dans une tenue beaucoup moins provocante que celle qu’elle portait la vieille au soir, il remarqua que c’était le cas des autres filles dont l’une d’elle ne lui était pas étrangère. Il lui devina des cheveux roux et ainsi reconnut la jeune femme qui l’avait accosté à Whitechapel. Etait elle l’amie de la jeune femme ? Peu importe. Il se saisit du cliché et le retournant lu l’inscription qui y figurait.

« En souvenir d’un 15 juin 1887, Merci de votre présence.

Tendresse, Anne. »

Un an et quelques mois avant sa visite du passé. C’était la preuve qu’il n’avait absolument pas rêvé. Une confirmation dont il ne savait pas s’il devait se réjouir ou le contraire. Son doigt se posa sur la photo de la jeune femme et fit le tour de son visage. Elle paraissait si insouciante sur l’image qu’il en sourit. Il reposa le négatif dans le livre et se dirigea vers le comptoir. Le son de la sonnette retentit mais aucune voix ne s’éleva de l’arrière boutique. Shaolan recommença mais pas un signe de la vieille femme. Intrigué, il fit le tour du comptoir et se retrouva devant une petite porte où il toqua. Toujours rien. Quelque peu inquiet, il tourna la poignée et se figea sur place ; la pièce était vide et plongée dans le noir.

Il s’écarta de l’endroit, revenant dans la pièce principale. Sur le comptoir plus aucune trace du livre jaune. Seule, la photo attendait docilement son nouveau propriétaire. L’angoisse s’empara du jeune homme qui soudainement sentit la peur le prendre aux tripes. Lentement, il prit l’image entre ses mains, et comme une réponse à son soudain état de crainte, il vit que l’une des jeunes femmes venait de disparaître du négatif, laissant à sa place une tache noirâtre.

*~ * ~*

Dans l’obscurité d’une chambre miteuse, sur un lit grinçant, les gémissements de la jeune femme accompagnaient le bruit des ressorts du matelas de fortune. La chevelure miel voletait au rythme des mouvements de bassin de la jeune femme nue à chevale sur l’homme à la figure rougie par l’effort et au corps ruisselant de sueur. De ses mains grasses aux doigts boudinés, il palpait avec envie les seins de la catin.

- Ah toi ! tu aimes ça espèce de chienne hein ! s’exclama t il en pinçant violemment ses mamelons.

Pour seule réponse à la voix rauque et méprisante, la jeune femme grimaça mais ne s’arrêta pas. Ses mains posées sur le torse parsemé de poils noirs et drus, elle enfonça ses ongles dans la peau de son client qui se redressa immédiatement, la giflant de toutes ses forces.

- Putain ! Tu va me le payer espèce de garce !

Tout en s’écriant, il la gifla furieusement. Ce geste fit tomber la jeune femme sur le planché, où le pied de l’homme la frappa au ventre, puis s’aidant de ses poings, il enchaîna les coups. Il la saisit par les cheveux et abattis brusquement son crâne contre le sol. La fille de joie ne cria pas, elle savait qu’elle ne ferait pas le poids face à ce monstre, beaucoup plus robuste, plus large qu’elle, roulé en boule, elle se protégeait à l’aide de ses bras. Mais plus elle gardait sa douleur au fond d’elle, plus l’homme intensifiait ses assauts ; plus brutaux, plus puissants, plus réguliers.

- Catin ! Je vais t’apprendre ! Regarde ce que tu m’a fais ! Gueuse ! Déchet ! tu n’es bonne qu’à être battu chienne !

Les bleus la couvraient entièrement, ses larmes ne tenaient plus sur ses paupières et misérablement, elle les laissa couler le long de ses joues. A cette vue, l’homme s’arrêta, visiblement satisfait. D’un regard dégoûté, il gratifia le corps gisant à ses pieds d’un dernier coup, puis la laissa, allant se rhabiller dans un coin de la pièce dédaignant la jeune femme qui ne bougeait pas.
L’homme passa près du corps et cracha sur la jeune femme avant de lui lancer deux piécettes qui tintèrent contre le sol, puis, il quitta la chambre malodorante, baignant le corps de lumière pendant un instant.

Péniblement Sakura se hissa tant bien que mal sur le lit et s’y affala. Bien vite, des larmes plus lourdes tombèrent sur les draps défaits et sales. Elle fixait le vide, son regard émeraude s’assombrit encore. Une autre brisure en son âme, une nouvelle part de femme qui s’envolait. Ce n’était pas le premier, ce ne serait sûrement pas le dernier. Elle aurait préféré qu’il l’achève une fois pour toute, pour ne plus connaître cette misère qui la rendait esclave d’hommes qui l’utilisait à leur guise pour la jeter aussitôt. Tous pareils, tous…

Deux ambres se dessinèrent dans les ténèbres. Le mal en elle grandit davantage ; ces yeux là l’avaient abandonnée, il y avait un mois de cela. Ces yeux qu’elle avait cru pur, ces yeux à qui elle s’était dévoilée, ces yeux qu’elle avait aimé…du moins, quand ils étaient posés sur elle, sur la femme qu’elle était et qui s’effaçait de plus en plus au fil des jours, au fil des clients, au fil des coups.

- Shaolan…t’ai-je rêvé… ?

Sombrant dans la douleur, se noyant dans son chagrin, elle succomba dans la faiblesse du sommeil.

Derrière la fenêtre à la vitre crasseuse, la personne eut un sourire triste. Rajustant son capuchon sur ses cheveux, elle fit le tour et ouvrit la porte de la chambre. Elle resta un moment dans le noir, fixant le corps meurtri de la jeune femme. L’individu soupira en hochant la tête puis se dirigea vers le lit.

25 septembre 2007

Chapitre IV: Back To Reality

« Bonjour ! Nous sommes le Samedi 18 Février et il est 8h ! La température est de 7 degrés je ne vous conseille pas d’aller faire un tour dehors ! Vous êtes sur les ondes de HZK9 merci de votre fidélité ! Nous enchaînons donc avec le nouveau tube de Lemar : What About Love pour un réveil tout en douceur. »

Shaolan émergea lentement des limbes du sommeil, encore un peu sonné. En entendant les premiers accords de la chanson, il se redressa brusquement dans son lit. Troublé, il regarda ses draps défaits, les murs peints en vert et le tout nouveau réveil matin docilement posé sur la table de chevet près du lit ; la chaleur de la cheminée en marbre, l’élégance du décor de l’époque victorienne n’étaient plus qu’un lointain souvenir.

- Un rêve ? souffla t il, incrédule.

Il se passa ses mains dans ses cheveux nerveusement et se dégagea de la couverture. Il fut surpris que ses pieds ne rencontrent pas le sol froid et baissant le regard, se rendit compte qu’ils étaient posés sur le livre à la couverture brunâtre. Il se pencha doucement vers l’ouvrage et le saisit fébrilement, le déposant sur le lit, entre les draps bleu océan.

Le titre gravé luisait paisiblement sur la surface douce de la couverture. Il passa un doigt sur les lettres argentées fermant les yeux. Les images d’un voyage dans le passé d’une autre vie affluèrent en rafale dans son esprit, mais une seule d’entre elles resta au finale ; Deux émeraudes troublées de désir.

Sakura…il lui sembla entendre la voix voilée de timidité de la jeune femme lui murmurant sa supplication d’amour. Il avait eu envie de lui faire l’amour à ce moment là, toute la nuit, toute la vie…Dès leur premier baiser il avait compris qu’elle était celle qui pourrait le pousser à briser ses chaînes, à supprimer les erreurs et à tourner une nouvelle page pour un autre commencement, loin de sa mère, loin de cette femme qui se disait sienne. Il n’avait jamais ressenti l’envie de tromper Lya, l’idée en elle-même ne lui était jamais venue à l’esprit. Le mariage était quelque chose de sacré, un engagement pour la vie ; l’engagement de toute une vie.

Pourtant la courtisane de Londres d’un autre temps lui avait fait tout oublier, par un seul de ses baisers. Il ressentait encore la saveur de ses lèvres contre les siennes. Elle n’avait pas de rouge à lèvres, sans doute trop cher, mais ce n’était pour lui déplaire bien au contraire. La seule chose qui l’irritait était la vision déchirante d’autres hommes posant leurs lèvres indignes sur la bouche de son ange du temps. Il était jaloux, il était amoureux…D’une facilité enfantine, il s’était épris d’une princesse d’un soir. Lui qui n’ouvrait la porte de son cœur qu’après plusieurs coups contre celle-ci se sentait renaître sous les regards d’une jeune femme qui hier matin encore n’existait pas dans sa vie.

Il voulait la revoir, il fallait qu’il la revoie. Ses doigts se posèrent sur le rebord de la couverture de l’œuvre qu’il effleura pendant un instant de haut en bas. Pouvait il y retourner ? Ne risquerait il pas de retrouver la jeune femme en colère ? Après tout si le temps filait à la même allure que dans le présent, il devait faire grand jour là bas, et il lui avait assuré qu’il reviendrait. L’idée de devoir subir la colère de Sakura ou pire son indifférence lui était insupportable, plus il retardait son retour dans le passé, plus il risquait de perdre le peu de confiance qu’elle avait mise en lui hier soir.

Décidé, il s’apprêta à ouvrir cette porte du temps d’encre et de papier quand un bruit dans le duplex arrêta son geste.

- Chéri !!! Je suis de retour !! s’exclama une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

Affolé, il se leva rapidement, saisit le livre et le fourra dans sa serviette en cuir noir au milieu de ses documents de travail et se dirigea vers l’entrée où il aperçu la chevelure brune penchée sur une énorme valise qu’elle essayait tant bien que mal de faire entrer dans l’appartement.

- Ah mon cœur, aide moi s’il te plait ! Dit elle en se retournant vers son mari qui la considérait, visiblement surpris.
- Euh oui attend.

Il lui prit le sac des mains et alla le poser dans la chambre à coucher du couple. Il jeta un coup d’œil inquiet vers la cachette du livre pendant qu’il se changeait ; l’heure de son départ pour le bureau aillant presque sonné. Prenant sa serviette, il rejoignit sa femme dans la cuisine.

Shaolan s’accouda contre la porte de cette dernière, les bras croisés et observa sa femme qui cherchait quelque chose dans le frigo entre ouvert.

- Où est la bouteille de vin Shao ? Demanda t elle, la tête entre les rayons.
- Qu’est ce que tu fais là Lya ? Répliqua t il d’un ton sec.

Elle se retourna vers lui, les sourcils froncés, ne comprenant pas la question de son mari. Elle referma le réfrigérateur et dirigea vers son mari qui ne bougea pas. Une fois face à face, elle le regarda dans les yeux, plongeant son regard bleu nuit dans celui du jeune homme.

- Tu m’as manqué. Dit elle en s’apprêtant à poser ses lèvres sur celle du jeun homme qui tourna la tête, l’obligeant à embrasser sa joue.
- Moi pas, alors réponds à ma question, qu’est ce que tu fais là ? Dit il en saisissant les poignés de la jeune femme qui avait posé ses mains sur son torse, la repoussant légèrement.

Contre tout attente, elle lui adressa un sourire innocent, et revint près du frigo qu’elle ouvrit, et s’y replongea, laissant son mari perplexe.

- Où est le vin…Ah voilà ! S’exclama t elle joyeusement en sortant la bouteille à peine entamé.

Elle la déposant sur le bar puis ouvrit l’un des placards et en prit deux verres. Elle s’assit comme si de rien n’était sur l’un des tabourets en aluminium et versa une bonne quantité du liquide pourpre dans un des verres, qu’elle porta à ses lèves.

Irrité par ce jeu malsain, Shaolan lui arracha furieusement le verre des mains qui alla s’écraser contre le sol, repeignant le carrelage immaculé, à quelques endroits, de vin.

- QU’EST-CE QUI TE PRENDS ! s’écria la jeune femme en se levant, furieuse.
- CE QUI ME PREND ! TU TE FOUS DE MOI LYA ! TU PARS UN MOIS EN ME LAISSANT SANS NOUVELLES ET TU ME DEMANDE CE QU’IL ME PREND ! Hurla t il en retour, renversant le tabouret dans un vacarme qui fit sursauter sa femme.

Toute trace de colère quitta les traits de la jeune femme qui lui adressa un sourire tendre qui déstabilisa le jeune chinois pendant un instant. Lya déposa une main caressante sur celle du jeune homme, posée sur le bar.

- Je comprends, tu t’es senti délaisser mon chéri, j’en suis affreusement désolée mon cœur. Dit elle d’une voix douce.

Lentement, elle s’approcha du le jeune homme qui ne prit même pas la peine d’enlever sa main, abasourdi par un tel changement de situation.

- Je sais que je n’aurais pas dû te laisser comme cela pendant un mois, sans te donner signe de vie. Tu as dû t’inquiéter mon chéri, oh mon amour pardonne moi.

Voyant que le jeune homme ne la repoussait pas, elle lui caressa la joue en lui adressant un regard débordant de remords et de tendresse. Ce contact, pourtant doux, eut l’effet d’une gifle sur le Shaolan qui recula instantanément.

- Ecoute, je pense qu’on devrait faire un break. Dit il sur un ton calme.
- Q…Quoi ?! S’exclama t elle horrifiée.
- Ne prend pas cet air choqué, nous savons tous les deux que ce mariage ne rime plus à rien Lya ! S’emporta t il.
- Non ! J’ai fait une connerie en ne te téléphonant pas pendant un mois, je te demande de me pardonner, mais ne parle pas de séparation Shaolan tu n’as pas le droit de faire ça ! Répliqua t elle la gorge nouée.
- S’il te plait, arrêtons cette mascarade pendant que c’est encore possible, je préfère qu’on se quitte en bon terme, et puis je ne parle pas de divorce…pas pour l’instant du moins.
- Tu ne peux pas nous faire ça Shaolan, tu ne peux pas me faire ça ! Je suis ta femme Shaolan, devant dieu, je n’accepte pas cette décision ! Déclara t elle en séchant ses larmes rageusement.
- Bien, si tu le prends comme ça, c’est moi qui m’en vais. Décréta t il en s’apprêtant à sortir de la cuisine.

Elle le retint par le bras, les larmes inondant son visage aux traits fins et posa sa tête sur l’épaule du jeune homme qui s’arrêta.

- Je t’en supplie Shaolan…Shao…mon cœur, je t’en prie reste, je…je suis désolée…reste mon amour reste…je t’aime, Shaolan je t’aime reste avec moi…Sanglota t elle contre son dos, l’enlaçant.

Le jeune homme serra les poings fermant les yeux; lui mentait elle encore ? Il ne l’avait jamais vu aussi abattue. Sous ses paupières closes, la vision d’un regard vert brillant de malice s’imposa à son esprit. Prenant sa décision, Shaolan posa ses mains sur celles de sa femme qui l’enlaçaient toujours. Lentement, il l’obligea à desserrer l’étreinte forcée, se dégageant totalement du corps secoué de sanglot de la jeune femme, et d’un pas décidé, quitta la pièce.

- NON ! Shaolan….SHAOLAN… !

Seul le claquement de la porte d’entrée lui répondit.

*~ * ~*

Ce fut le froid qui réveilla la jeune femme. Encore endormie, elle se redressa sur le canapé de velours rouge et posa son regard sur la pièce ; le feu dans l’âtre s’était éteint. Elle frissonna légèrement et se leva. Sakura se dirigea vers l’une des trois fenêtres du salon, qui par les rayons claires filtrant à travers la vitre, annonçait le jeune matin. La jeune femme ne s’attarda pourtant pas sur la beauté du levé du soleil ; Un goût amer, absolument pas dû au sommeil, narguait ses papilles lui rappelant une promesse brisées, une de plus dans cette tristesse qui se disait vie ; Il n’était pas revenu.

Elle l’avait attendu, fixant les flammes, essayant de faire abstraction de cette petite voix qui lui criait de partir, que ce n’était pas maintenant que le destin lui tendrait une main secourable et que cette homme, bien que différent jusqu’à lors, ne serait que plus vile que les autres, que plus exécrable. Et maintenant que le désir s’était bel et bien retiré, que la saveur de ses baisers s’était estompée, elle se maudissait d’avoir si facilement cédé, d’avoir laissé la femme prendre le pas sur la fille de joie, d’avoir été elle, pour une fois.

- Mademoiselle.

La jeune femme sursauta au son de la voix pourtant tendre et posée. La vieille domestique se rapprocha d’elle, lui souriant affectueusement, ce qui ralluma un instant, une infime lueur d’espoir.

- Vous devriez partir.

Une gifle, un coup de poignard, un coup de trop. La lueur se retira, l’espoir s’évapora et les larmes menacèrent d’ériger les nouvelles blessures de Sakura. Elle ferma les yeux, acquiesça et fit quelque pas pour quitter ce lieu, où elle se jura de ne jamais revenir. Mais une main chaude vint se poser sur son épaule dénudée.

- Je ne veux point de son argent ! répliqua t elle sur un ton sec avant même que la servante n’est pu ouvrir la bouche.
- Attendez…ce n’est pas ce que vous pensez.

Elle s’arrêta, portant son regard sur la vieille femme, qui souriait toujours, la questionnant du regard.

- Vous ne quitterez pas cette maison, avant un bon petit déjeuné, mon maître ne serez pas ravi d’apprendre que son invité n’a pas été traité comme il se doit. Dit la veille femme.

N’attendant pas de réponse de la part de la jeune femme, Tomoyo se retira dans le couloir. Sakura ne bougea pas, tiraillée entre ses pensées ; devait elle la suivre ? Ou s’enfuir comme lui répétait la petite voix depuis hier soir ?

Elle rejoignit le couloir où avait disparu la servante. A sa droite, elle pouvait apercevoir au bout du corridor une porte ouverte qui éclairait ce dernier, et que la jeune femme identifia comme étant les cuisines, pensée confirmée par l’odeur des crêpes qui vint chatouiller son odorat, faisant grogner son estomac. A sa gauche l’entrée se dessinait au loin ; quelques rayons lumineux se faufilaient joyeusement sur les contours de la porte en bois marron.

Deux passages, deux choix, une personne. Si elle rejoignait la cuisine, elle aurait le loisir de manger quelque chose mais elle se ferait chasser juste après, un repas comme paiement, voilà qui n’était pas de coutume. En revanche si elle partait maintenant elle pourrait garder le peu de fierté qui lui restait après cet abandon avant l’heure, mais elle ne pourrait pas reprendre son labeur sans quelque chose pour assouvir sa faim.

« La fierté n’a jamais nourri personne ma fille, à bas les manières il n’y a rien qui t’attende, le jour est trop jeune pour espérer gagner quoi que ce soit. »

Serrant les poings, elle fit claquer ses talons sur le parquet, puis résignée, pénétra dans la cuisine où le parfum du repas l’enivra, lui montant à la tête dans un tourbillon de saveur alléchante. Sakura, se félicita bien malgré elle de ce choix du ventre.

24 septembre 2007

Vox Populi

C’est des murmures qui cherchent les cris
La petite bête, des tas d’ennuis
Les commérages, la médisance
Tant de vacherie, de complaisance

Vox populi
Fermez vos gueules et tous au lit
Moi j’en ai marre de vos conneries
Vos non chérie, vos oui ma vie

Y a des mensonges qui flottent dans l’air
Ça empeste tout, la mauvaise chair
Les faux semblants et les non-dits
Qu’on peut même pas chasser la nuit

Vox populi
Fermez vos gueules, je vous ai dis !
Moi j’en ai marre de vos conneries
Vos merci madame, vos j’vous en pris

La politesse, quelle belle foutaise
J’en ai pas besoin, je me sens à l’aise
Mais y’en a toujours pour critiquer
On appelle ça, la liberté

Vox populi
Fermez vos gueules et ça suffit
Moi j’en ai marre, de vos conneries
Vos p’tits sourires, vos mièvreries

Vox populi
Si d’aventure, je vous entends
Parler tout bas, comme des enfants
Fermez vos gueules, cherchez une vie
Celle-ci est mienne et c’est ainsi
Ne revenez pas baver ici

Vox populi
Quelle belle connerie, l'hypocrisie

24 septembre 2007

Et Même si je…

Dites moi comment, dites moi pourquoi
On se laisse faire, on baisse les bras
Et les barrières qu'on pensait fortes
Peu à peu s'effondrent
Comme de p'tits soldats

Et même si je,
Sais que c'est une nouvelle aube
J’ai peur de tout, j'ai mal pour rien
Et je me meurs au fil du temps
Et je m'efface en souriant

Dites moi comment, dites-moi seulement
Si c'est ainsi que la vie se doit
D’être vécue, d'être souvenue
En pires souvenirs, de jours heureux

Et même si je,
Veux partir au loin,
Lever les voiles,
Briser mes larmes.
Je n'oublie pas, je me retiens
Je n'oublie pas, qu'il me détient

Dites moi alors, ce que je suis
Où est mon aube, ma nouvelle vie
Ce paradis, qu'on m'a promis
Les rêves d'oubli
Teintés de gris

Et même si je,
Risque de me perdre
De m'éloigner, ou de le feindre
Alors pourquoi, tenter ceci?
Sur une simple idée, de pacotille

Surtout dites moi, ne m'cachez rien
Même si tout est mensonge pour mon simple bien
Que j'ai le droit, que c'est ainsi
Que les choses changent, qu'on s'épanoui
Que ça gâche rien d'effacer tout
Que c'n'est pas une tare, le renouveau
Pour autre chose, un truc tout beau

Et même si je,
Demeure en mon émoi
Que j'me débats et je me noie
Fermez la porte qui me retient
Je n'oublierai pas nos lendemains
Mais pour ce soir, ne dites plus rien.

Et même si...
Et même si je...
Et même si moi...

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24 septembre 2007

Chapitre III

C'est notre regard
qui enferme souvent les autres
dans leurs plus étroites appartenances,
et c'est notre regard aussi qui peut les libérer.

-Amin Maalouf

S’il se trouve une habitude qui survit aux siècles, c’est bien l’appétit immodéré qu’ont les Hommes pour la fête. Le jeu, le rire, la danse et autre de ces joies qu’on s’accorde sans préavis, pour une quelconque raison, logique fut elle ou non. Les fêtes sont des occasions où l’on se réjouit dans le pur égoïsme, fermant l’esprit à la réalité du temps qui s’enfuit pour une valse, un verre, un éclat de rire ou un instant suspendu dans l’air, caché aux vue et aux su de tous dans l’envie pressante de partager le feu qu’attise le désir d’un regard, d’un toucher. Et quel autre lieu illuminé de féerie siérait davantage qu’un château pourvu de jardins interminables en guise de temple des plaisirs ?

La saison des fleurs posait légèrement ses ailes sur Paris, ses compagnes, son royaume entier : la France. Recouvrant de vert ce qui avant se peignait de blanc, colorant les compagnes, réveillant les jardins avec une note de douceur de parfum printanier. Ainsi, Mai commençait tièdement, caressant le pays paresseusement de timides rayons. Mais l’on aimait ce temps. L’on aimait cette saison. L’on l’aimait, elle.

Elle. On trouvait en ce mot, tout un prétexte à célébrer ; une entrée dans le monde. Elle. La cadette des D’Andrésy profitait d’une grande renommé au sein de l’aristocratie française. Sa beauté et sa haute éducation faisait d’elle l’un des parties les plus courtisés de Paris, et l’on attendait avec promptitude gourmande, ce soir ; Ses Seize printemps. Son bal de débutante.

Seize ans. L’âge tendre. La fraicheur de la jeunesse. La candeur de la beauté. Le rire des yeux. La joie de vivre. Elle. Seize ans. Elle et le monde à découvrir.

Camille d'Andrésy incarnait ce que la bourgeoisie faisait de mieux. Naïveté et gentillesse. Impatience et soif de savoir. Bercée de livres et de musique, elle avait en admiration sa grande sœur en qui elle voyait ce que la vie devait être. Et ce soir. Parée de ses seize ans, elle avait gagné le droit de poser le pied sur la première dalle de ce lieu qu’on nommait monde. Le monde. Leur monde qui ce soir, enfin, deviendrait sien.

Tourbillonnant et de couleurs et de mélodies et de senteurs, le château de Villandry, réputé aux jardins mirifiques faisait honneur à ses hôtes en cette nuit de gaieté. Les fiacres se suivaient dans la grande allée qu’il fallait traverser avant de descendre et remonter à pied, suivant le chemin du tapis rouge, les escaliers en pierres conduisant aux grandes portes ornées. Deux valets saluaient les invités qui continuait leur marche, ne leur jetaient ne serait ce que l’ombre d’un regard. Leurs sourires, furent ils esquissés à demi gardant la tenue de leur rang, ou clamant sans gêne le délice de ce que leurs yeux embrassaient, ou simplement ravi de leur présence en ces lieux, flattaient la magnificence du château majestueux des D’Andrésy.

La famille D’Andrésy faisait partie de la bourgeoisie française depuis assez longtemps pour obliger le respect et l’admiration de tous mais aussi leur jalousie. Plus d’un ne rêvait que du jour où son nom serait associé à celui des D’Andrésy, de près ou de lieu, dans des termes favorables, il en allait de soit ; Se prendre en ennemi cette famille estimable revenait à se livrer au diable. Mais plus que leur fortune, leur château et ses édens verdoyants, la fierté de M. et Mme D’Andrésy était sans nul doute leur progéniture. Un fils d’abord, comme l’on désirait ardemment, afin de remplir la rude tâche de la succession et la perpétuité de la richesse et la renommé. Mais aussi deux filles dont la beauté exquise et le charme envoutant faisant venir au château plus de prétendants qu’il n’en fallait. Ceux là même qui ce soir encore, loin de se faire accablés de leurs innombrables précédents refus, se faisaient honneur d’être présent dans l’immense demeure enchantée, guettant le moment adéquat où exprimer leurs sentiments faussement sincères, joliment formulés de quelques romans que leur mères, en excellentes marieuses et épouses, leurs faisaient réciter tel un verser du livre sacré. Toute cette mascarade pour un nom. Toute cette bêtise pour un monde d’illusion, d’apparence et d’hypocrisie. Mais l’on aimait ce monde. L’on aimait ce siècle. L’on l’aimait, elle.

Elle. Rien n’avait été délaissé aux affres du hasard en cette enfant devenue femme. Elle. Dont le sourire était devoir, comme peint sur un visage aux traits gracieux. Elle. Qui se devait de rester telle qu’on la pensait, n’osant point ne serait ce que l’affront du murmure d’un « non », d’un « je suis lasse », d’un « laissez-moi », d’un « je suis humaine ».

Vingt ans. Le bel âge. Le requiem de l’enfance. La beauté glacée. Les yeux éteints. La réalité percée. Elle. Vingt ans. Elle et le rêve fini.

Pauline D’Andrésy avait, comme toute jeunes filles de bonne naissance, eu quelques envies de pénétrer ce monde, reflet de joies légères et de plaisirs intarissables. Reflet de liberté douce et épanouissement sucré. Elle aussi avait eu seize ans, il fut un temps pas si lointain. Mais bien au-delà de l’attendu, du secrètement espéré, elle perçut bien vite le défaut de ce tableau aux sourires figés. Comme le sien. Une peinture colorée, envoutante de bonheur. Correcte. Comme eux. Néanmoins, à trop contempler l’ensemble, l’image se fait dérangeante. Et à fur et à mesure, les figures souriantes se déforment en un rictus mauvais, corrigeant les traits fins, brisant l’illusion de perfection de ce monde. Leur monde. Inévitablement, le sien.

Toutefois, elle se gardait bien de souffler mot sur ses pensées contraires aux bienséances que sa mère aurait sans doute eu vite fait de lui faire oublier en la liant au premier aristocrate au gilet élégant et au charisme terrassant venu. Et justement, il s’en trouvait un qui avait su retenir l’attention des D’Andrésy. L’unique petit fils du marquis de Ximenès.

« J’ai ouï dire que Sacha de Ximenès serait des nôtres ce soir ! »

Assise sur le lit, les yeux baissés sur son livre, Pauline ne releva pas le regard quand sa sœur lui adressa la parole d’un ton enjoué.

« Qui cela dis tu ? »

Camille laissa échapper un petit rire cristallin qui fit sourire sa sœur toute à sa lecture.

« Tu n’ignores point de qui je parle, Pauline » Réprima faussement la fêtée.

Pauline soupira, rencontrant le reflet de sa petite sœur dans le miroir en face du lit et devant lequel on s’appliquait à la coiffer.

« Cela t’étonne? Il semblerait que cet homme n’ait nulle autre occupation que celle de venir roder ici. » Répondit la jeune femme tournant une page du bout des doigts.
« Tu ne l’apprécie guère n’est ce point ? » Commenta la cadette.

Pauline referma lentement son livre, le posant sur les couvertures. Le tissu de sa robe bordeaux émit un léger bruissement quand elle se leva, rejoignant le fauteuil près de la fenêtre. Les lumières du jardin brillaient d’un éclat joyeux, dansant quelques instants dans son regard qui finit par s’y perdre.

« Ton silence est éloquent ma chère sœur. »
« Tu n’es pas sans savoir que ce genre d’hommes ne m’attire en rien. Ils ne voient en moi que la fortune et le prestige de père. Ils ne me voient pas. » Répliqua l’ainée d’un ton sec. « Et lui plus que les autres. Cette attitude suffisante qu’il arbore et ce narcissisme malsain ! Ciel que cet homme est vulgaire. »
« Mère ne partage point ton avis » Rappela Camille, faussement réprobatrice.
« Mère se fiche bien de mon avis petite sœur, seul celui de la société compte pour elle. »
« Qui y a-t-il de mal à prendre en compte l’avis de la société ? »
« Rien…mais ne vivre que pour cela est une autre chose. »

Camille soupira. Cette hargne insensée que commençait à nourrir sa sœur pour leur monde l’inquiétait plus que son soupir ne le laissait percevoir. Elle n’avait point souvenir de quoique ce fut qui ait pu blesser son aînée et de ce fait, faire naître tout ce cynisme venimeux envers cette société, que elle d’un autre côté, se faisait une hâte brulante à vouloir enfin rejoindre.

Les deux domestiques se retirèrent une fois leur tâche accomplie. Camille contempla son reflet longuement dans le miroir, songeant plus à sa sœur qu’à la perfection de sa coiffure.

« Pauline… ? »
« mmh ? »
« J’ai entendu mère s’entretenir avec père au sujet de…. »

Elle s’interrompit, se tordant les mains dans un geste nerveux. Devant son silence soudain, Pauline se retourna vers sa sœur et, la voyant ainsi tiraillée, se précipita à ses côtés. Doucement elle lui saisit les mains, et ancra son regard noisette dans le noir de celui de sa cadette.

« Qui y a-t-il qui te tourmente tant ? Qu’as-tu entendu ? » Question Pauline d’une voix calme.
« … Ils parlaient de fiançailles » Camille, troublée, ferma les yeux une secondes, soupirant. Puis saisissant le regard de sa sœur, elle poursuivit posément. « De tes fiançailles, Pauline. » Lâcha t elle finalement.

Elle ne tarda pas à sentir les mains de sa sœur, dans les siennes, se raidir. Pauline demeura muette, les yeux vides. Puis, un sourire indescriptible entre l’ironie et la tristesse flotta sur ses lèvres. Lentement, elle se détacha de sa petite sœur et revint à sa fenêtre, l’esprit ailleurs.

« Pauline… »
« Je refuse. » Trancha l’aînée.

Son ton froid fouetta l’air, glaçant Camille sur son petit tabouret.

« Tu ne peux… » Commença t elle mais s’interrompit. Elle ne pouvait pas. Pauline en était consciente plus que quiconque ; Un non ne serait pas toléré. Jamais.

« Je ne l’épouserai pas. Pas cet homme. »
« Pauline… » Essaya de raisonner la cadette mais sa sœur poursuivit.
« Non ! »S’écria t elle, haussant le ton.

Non. Ce mot, si souvent banni avait jailli de sa bouche comme un cri viscéral. Trop longtemps contenu en elle, cette rage avait explosé en un seul mot : Non. Il lui avait longuement paru que si elle osait ne serait ce que le chuchoter le monde autour s’effondrerait. Mais voilà ; Elle l’avait dit, même pas en un chuchotement étouffé ; Elle avait crié ce non comme on demande de l’aide, comme on se révolte sous les coups, comme on se dresse contre les autres. Non. Parce qu’elle savait qu’après, elle ne se risquerait plus à le redire.

« Non…Camille, je te prie de garder le flot de raison qui te brûle les lèvres pour toi. Non. Laisse-moi le dire tant que je le peux encore… Non. »
« …Bien. »

Le silence se fit. Gênant mais nécessaire. Camille s’en retourna à son miroir, posant une main distraite sur la parure qui scintillait à son cou, jouant avec. Pauline soupira et sa sœur arrêta son mouvement de main. Allait-elle réellement faire l’affront de refuser ? En avait-elle le courage ? Elle admirait son aînée pour sa détermination de feu mais cela ne lui nuirait il pas en de telles circonstances?

Pauline, je t’en conjure, ne fais rien de stupide. Souffla t elle en son for intérieur.

L’objet de cette supplication muette écarta un pant du rideau de soie. Son regard vide saisit encore une fois le paysage des jardins puis, il s’arrêta sur l’allée d’où se dessinait les fiacres, carrosses et autre calèches dont le flot d’invités qui s’en échappait ne semblait plus vouloir se tarir.

Des chuchotements à peine étouffées suivirent le bruit métallique du marchepied. Cinq jeunes hommes descendirent l’un à la suite de l’autre. Les regards de ceux qui montait déjà les marches se retournèrent, curieux. L’on ne semblait point les connaître mais ils avaient tout des qualités que ce monde exigeait ; Jeunesse et beauté, incontestablement leur été concédées mais aussi une sorte d’aura teintée de mystère. Immanquablement l’on se sentait une attirance pour ces étrangers à l’allure princière.

Pauline, du haut de sa fenêtre ressentit également ce trouble qui s’était emparé des présents, devant les portes du château, à la vue des cinq nouveaux arrivants. Son attention en retint un en particulier, dont le magnétisme singulier se faisait ressentir seulement à la vue de sa longue silhouette. La distance ne lui permettait point de distinguer les traits de son visage mais elle y devina une harmonie enfantine et un sourire qui se ferait tantôt malicieux, tantôt séducteur. Ce genre de charisme empreint de pureté sucrée adorable qui s’entrelace de piquante passion dévorante…
La jeune femme secoua légèrement la tête, chassant cette illusion de son esprit engourdit d’émotions diverses. Cet homme n’aurait rien d’unique, elle le devinerait à son rire probablement nasillard et ses yeux qui s’empresseraient de se frayer un chemin indiscret à la naissance de ses seins remontées par son corsaire de la dernière mode. Il finirait sûrement la soirée dans un état d’ivresse titubante et s’affalerait sur une chaise, s’endormant enfin jusqu’à ce qu’on le réveille pour le départ.

Oui, il n’aurait rien de nouveau lui non plus. Comme tous ces autres qui se voulaient dignes de sa main. Eux et ce Sacha de Ximenès. Les hommes se rejoignaient bien tous, aucun d’eux ne valait mieux que les autres, de cela, elle en était farouchement persuadée.

Et je devrai m’unir à l’un d’eux ! La damnation serait une bénédiction libératrice! Pesta t elle en ses pensées intimes.

…Faites attention aux souhaits formulés à la nuit…

Le jeune homme, qu’elle scrutait toujours, leva alors la tête en sa direction. Comme ayant entendu cette phrase blasphématoire, il avait posé son regard inévitablement sur sa personne. Et ces mots…
A ce contact invisible et cette voix imperceptible, le cœur de Pauline s’emballa furieusement. Elle sursauta, reculant d’un pas, se détachant de la fenêtre et ainsi de l’image de l’inconnu.

Sa main se porta instinctivement à son cœur qu’elle sentit cogner brutalement en elle. Ses joues de rouge se teintèrent et le trouble se saisit de ses yeux. Que venait-il de se passer ? Qu’était cette voix qui avait vibré à son oreille, et ce regard pourtant lointain qui avait percé le sien jusqu’à son âme. Cet homme…
…n’avait rien de ses semblables.

24 septembre 2007

Chapitre III: Behind Title's Mystery

La jeune femme posa sur lui un regard empli d’incompréhension, où de nouvelles larmes se pressaient aux bords de ses émeraudes.

- Co…Comment…Balbutia t elle en clignant des paupières.
- Je parle japonais, j’ai beaucoup voyagé. Expliqua t il en regardant partout sauf vers la jeune femme. Je…je suis marri ne pleurez pas, s’il vous plaît.

Nerveusement, il fouilla dans ses poches et lui tendit un mouchoir en tissu brodé de ses initiales. Elle le prit, baissant la tête honteusement. Il l’observa longuement pendant qu’elle essuyait maladroitement le maquillage noir de fortune qui avait coulé le long de ses joues rosies par la chaleur de l’endroit et sans doute aussi par celle du désir qui s’était estompé aussi vite que leur étreinte avait été brisée.

- Attendez…

Il lui prit le carré de tissu en coton des mains et entreprit de tamponner doucement les traces noires qu’elle n’avait finalement fait qu’étaler sur son visage. Les yeux dans les yeux, ils se contemplaient dans un silence chargé d’émotion. Lentement, la jeune femme déposa sa main sur celle du jeune homme qui se faisait caressante.

- Aime moi…Shaolan.

Sa voix était douce, chaude, vibrante d’un sentiment pur et intense. Elle le regardait de ses yeux de femmes, délaissant pour la première fois depuis leur rencontre ses regards aguicheurs et faux, signifiant ainsi, qu’elle oubliait son métier. Il sentit les lèvres douces et légèrement tremblantes, effleurer timidement les siennes. Une vague de désir ardent le prit aux tripes et il captura l’offrande délicieuse dans un baiser tendre et enflammé.

Doucement il la coucha sur le canapé, son regard ambre fiévreux toujours encré dans les prunelles vertes de la jeune femme. A nouveau il descendit ses baisers sur son cou qu’il parsema avec passion, sous les gémissements de bien être de Sakura. Elle laissa ses mains se perdre dans les cheveux chocolat indisciplinés mais soyeux du jeune homme, caressant son cuir chevelu dans un massage expert et doux. Il gémit à son tour.

Un toussotement se fit entendre, brisant la magie du moment. Les deux amants se relevèrent immédiatement, rougissant comme deux adolescents pris en faute. Shaolan regarda la vieille servante, visiblement mécontent de cette interruption. Elle lui adressa un sourire désolé, et lui indiqua discrètement de la suivre. Il hocha la tête et elle disparut aussi vite qu’elle s’était introduite dans la pièce.

Le jeune homme se retourna vers sa compagne qui évita son regard, les joues teintées de rose, les lèvres lèchement gonflées. Il la trouva encore plus désirable avec cet air timide qui lui allait mieux que ces sourires enjôleurs qu’elle affichait tous les jours. Lentement, il l’obligea à poser ses yeux sur lui en soulevant son menton. Il lui adressa un sourire amoureux, et déposa doucement ses lèvres contre celles de la jeune femme qui n’eut pas le temps de le lui rendre.

- Je reviens. Surtout ne t’en va pas je t’en pris. Supplia t il près de ses lèvres.
- Ne t’inquiète pas, vas y. Assura elle en lui volant un baiser.

Il se leva donc prestement, non sans déposer une dernière fois ses lèvres sur celles de la jeune femme, et rejoignit la vieille femme qui l’attendait au bout du couloir. Il s’approcha d’elle et celle-ci entra dans une pièce. Il la suivit. Devant lui se tenait une immense bibliothèque. Il y avait tellement de livre dans l’endroit que les murs en semblaient tapissés. Dans un coin se trouvait une cheminée, en marbre marron, où un feu crépitait joyeusement entre deux fauteuils en cuir noir, placés face à face, visiblement des plus confortables. La vieille femme se tenait devant une petite table qui se trouvait près du siège en question. Elle l’attendait les mains croisées dans une attitude plus proche de celle d’une maîtresse de maison que celle d’une femme de chambre.

Shaolan remarqua que ses cheveux, strictement coiffé en un chignon serré, étaient d’une couleur noire ébène, à peine marquée de quelques filets argentés, qui lui donnaient une autre beauté. Ses yeux, d’une couleur unique qui dansait entre le prune et le violet, ne quittaient pas le jeune homme, gardant un sourire confiant sur ses lèvres aux contours à peine ridé. Un sourire qui donnait à son visage porcelaine une expression de profonde quiétude qui rassurait le jeune chinois.

- Venez. L’appela-t-elle doucement.

Il s’approcha donc. Arrivé à sa hauteur, elle lui indiqua de sa main droite un livre qui se trouvait sur la petite table. Un livre ; taille moyenne, ancien et couverture d’un rouge brique, sans aucun doute, le même que celui qu’elle lui avait gracieusement offert et qu’il s’était dépêché de prendre, ne s’attendant sûrement pas à la suite des événements.

- Vous me devez des explications. Commença t il en regardant la vieille femme qui souriait toujours.
- Je pense aussi. Prenez place, Shaolan.

D’un geste, elle lui désigna le fauteuil où il s’assit. Elle prit un autre siège, et il remarqua qu’elle tenait le livre entre ses mains.

- Que voulez vous savoir ? Demanda t elle sans le quitter des yeux.
- Qui êtes vous ?

La vieille femme rit, amusée.

- Je ne sais pas exactement, mais mon dernier prénom était Tomoyo, je crois que vous pouvez m’appeler ainsi.
- Pourquoi m’avez-vous donnée ce livre ce matin ?
- Oh et bien je pensais que cela vous serez salutaire de vivre quelque chose d’unique, en vous faisons retrouver le sens de la vie et de…l’amour.

Elle le regardait avec un sourire au coin de ses lèvres bordées de rides malicieuses. Shaolan était troublé, et au dernier mot se sentit rougir devant les images encore vivaces que son esprit lui imposa.

- Vous pensez donc que ma vie n’est que problèmes. S’exclama t il en fronçant les sourcils

Cette fois ci, c’était bel et bien lui qui s’adressait à la mystérieuse femme. Son autre avait d’ailleurs disparu au moment même où le livre avait refait son apparition dans le décor de ce passé ressurgissant de nulle part.

- Non, voyons non…je dirai plutôt que vous avez fait quelque faux pas en chemin.
- Je ne vous permets pas ! s’emporta t il en se relevant légèrement.
- Allons, cessez d’imiter votre mère, cela ne vous va pas du tout jeune homme.

Le ton, pourtant ni sec, ni en colère, glaça le jeune homme et avec lui, sa colère. Il se rassit normalement et attendit la suite de ses explications qui ne semblaient pas venir.

- Je sais que la vie que vous avez dans le présent n’est pas celle dont vous rêviez et avez besoin.
- Comment pouvez-vous en être sûre ?
- C’est tout le sens de ma vie, de savoir cela.
- Je ne vous suis pas…Avoua t il, perdu
- Ce n’est pas grave, puisque vos véritables questions, ne me sont pas adressées. Dit elle. Je sais que cela ne vous aide pas davantage mais laissez moi finir.

Il acquiesça docilement, attendant la suite.

- En ouvrant le livre, vous avez commencé une histoire, celle-ci, seulement votre présence ici n’est pas un rêve. Vous êtes bel et bien retourné dans le passé. Pourquoi Londres ? Pourquoi cette époque ci ? Je ne saurais vous le dire. Ce livre vous mène là où est votre place, votre véritable place. Il existe des moments dans une vie où l’on se sent piégé, où tout autour de vous n’a plu aucune valeur et que vous vous voudriez être ailleurs, n’importe où mais pas dans votre peau à cet instant précis de votre vie.

Shaolan gesticula un moment sur le fauteuil en cuir, s’enfonce un peu plus dans le siège. Ce que Tomoyo disait, n’était qu’une description troublante de ce qu’était sa vie depuis un certain temps.

- …Vous êtes arrivé à ce point là, ce matin dans votre voiture vous vous demandiez comment vous vous étiez retrouvé dans ce triste état, et si je ne me trompe pas la suite de la journée ne vous a pas vraiment fait changer d’avis. C’est pour tout ceci que vous êtes arrivé dans ma librairie, et c’est pour cela, que je vous ai donné le live que voici. Je ne pense pas que vous vous soyez attardé sur le titre Shaolan ? continua t elle.
- Effectivement non, les titres sont parfois tellement mal choisi que je n’ai pas cru bon d’y prêter attention. Dit il, visiblement honteux.
- Je suis d’accord avec vous. Dit elle en riant. Mais celui-ci aurait pu vous donner une petite idée sur ce qui vous attendez…ou pas, en tout cas, le titre de cet ouvrage est : Lifetimes.

Comme pour prouver ses dires, elle souleva le live et le maintint sur ses genoux. L’inscription gravée, en argent, luisit dangereusement sous le reflet des flammes de la cheminée.

- Vous étiez destiné à recevoir ce livre.
- Je ne crois pas au destin. Assura t il amèrement.
- Pourtant vous devriez, c’est grâce à cela que vous avez franchi les pages du temps. C’est aussi grâce à lui que vous allez redécouvrir le sens de l’amour.
- Je n’aime pas cette jeune femme.
- Je n’ai pas dit cela. Fit elle remarquée en souriant malicieusement.
- Peu importe, je suis marié.
- Là n’est pas la question mon garçon, le divorce sert à réparer ce genre d’erreur.
- Lya n’est pas une erreur. Répliqua t il maladroitement.
- Réessayer, cela manquait affreusement de conviction.
- Quand bien même je n’aimais pas Lya, cela ne change pas le fait que Sakura est ici, et moi là bas. Je ne peux pas rester éternellement ici, et elle…
- Ne choisissez pas pour elle Shaolan. Vous êtes ici avant tout pour changer votre vie, et peut être d’autres…

Elle ne lui laissa pas le temps de méditer sur cette dernière phrase et enchaîna :

- Vous êtes libre de rentrer dans le présent, d’ailleurs vous devriez y repartir maintenant, votre femme reviendra bientôt, je ne pense pas que cela arrangera les choses entre vous deux, si elle ne vous trouve pas chez vous.
- Comment le savez vous ?
- Ne vous encombrez pas de questions dont vous n’avez pas besoin.
- Mais…
- Rentrez.

Sur ce dernier mot, elle se leva, ouvrit le livre et le déposa devant le jeune homme qui n’eut pas le temps de réagir, que déjà les pages commençaient à s’effacer sous ses yeux qui se fermèrent d’eux même.

24 septembre 2007

Chapitre II: Through The Paper And The Ink

Les ténèbres…encore…toujours…un réverbère…de retour aux ténèbres… encore… toujours…un autre réverbère…les ténèbres à nouveau ; voilà le paysage que la vitre embuée montrait au jeune homme qui au fur et à mesure que la voiture avançait lentement dans la ville, appréhendait ce qu’il allait trouver à son arrivée devant ce fameux 190 Queens Gate.

Puis le silence et les ténèbres laissèrent place à un endroit plus animé. De la lumière, enfin. Ce spectacle sortit Shaolan de ses angoisses pendant un moment. Il plissa les yeux et distingua plusieurs jeunes femmes qui riaient en compagnie d’hommes dont la plus part à première vue, étaient complètement saoul.

Toute cette agitation régnait devant un établissement qui était la principale source de lumière de la rue. Les vitres des deux étages étaient grandes ouvertes malgré le froid, et de part et d’autres s’élevaient des rires, des cris, des insultes, des chants…des gémissements.

Shaolan ouvrit de grands yeux devant ce spectacle de désolation et de débauche. Mais quelque chose dans cette foule d’un autre temps attira son attention, lui faisant oublier ses problèmes actuels et sans prévenir, il ouvrit la portière du fiacre.

- EH MAIS V’Z’ETES PAS BIEN ! Cria le cochet en tirant sur les rênes. La voiture s’ébranla et s’arrêta.

Shaolan ne répondit rien, se dirigeant prestement vers l’établissement outrageusement illuminé et se posta devant les portes largement ouvertes. Ses yeux ambrés où la lumière de l’entrée se reflétait se posèrent sur l’enseigne. Une grande pancarte en bois, fraîchement repeinte d’un vert bouteille, où le nom de l’établissement avait été peint d’un blanc immaculé.

- Mais c’est…
- Bienvenu au Feathers Bed mon mignon ! L’interrompit une voix.

Baissant son regard vers la personne qui venait de le sortir de sa stupeur, Shaolan croisa deux émeraudes pétillantes de malice. Un visage angélique dont la fine bouche rosâtre s’étirait en un sourire enjôleur. Une jeune femme à peine plus jeune que lui, était adossée à l’embrasure de la porte et le fixait de son regard de jade.

- Nous ne lisons pas la même chose dans ce cas. Répondit-il après un moment.
- Ah oui ? Et que lisez vous donc Monsieur ? Demanda la jeune femme d’une voix suave qui le fit frissonner.
- Feather’s soul.
- Vous êtes donc nouveau à Whitechapel. Assura t elle, amusée.
- Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
- Personne ici n’a d’âme…chérubin !

Sur ces mots, elle partie dans un rire sans joie, et pénétra dans le bâtiment. Shaolan la suivit. A peine entré, la fumée qui flottait dans l’air lui piqua les yeux. Le gris pâle des nuages de fumée s’élevant des quatre coins de la pièce contrastait avec la couleur jaune orangée de la lumière qui émanait des bougies dispersées ici et là sur les tables bien occupées.

Il resta un moment immobile, observant aux alentours à la recherche de la chevelure miel qu’il retrouva rapidement. Sans attendre, il se faufila entre les tables où les clients buvaient en parlant bruyamment, écoutant à peine le piano mal accordé qui jouait dans un coin.

Elle lui adressa un sourire et se dirigea vers une porte qu’elle ouvrit et disparut. Plus curieux que jamais Shaolan ouvrit la porte à son tour et se retrouva dans une ruelle sombre, aucune trace de la jeune femme. Déçu, il avança dans la pénombre, se dirigeant vers la sortie de la venelle où la lumière de l’établissement se faisait voir, mais une main saisit la sienne, le ramena vers les ténèbres.

Des lèvres chaudes se plaquèrent contre les siennes tandis qu’un corps se pressait contre le sien. Il répondit instinctivement au baiser, posant une main sur la frêle nuque de la jeune femme, intensifiant l’échange.

Brusquement, le corps aux courbes généreuses se dégage de celui enflammé de Shaolan qui émit un grognement de mécontentement. Le rire cristallin de la jeune femme se fit entendre.

- Qui êtes vous ? Demanda t il, le souffle court.
- Celle que vous voulez…

Provocante elle lui vola un baiser mais ne lui laissa pas le temps de satisfaire son désir.

- Qui est êtes vous ?
- Les prénoms n’ont point d’importance monsieur.
- Shaolan. Lança t il
- Pardon ? Demanda t elle étonnée.
- Je me nomme Shaolan.
- Ah ! Et bien bienvenu à Whitechapel…Shaolan. Dit elle en souriant.
- Votre prénom de grâce. S’exclama t il, suppliant presque.
- Je n’en ai point…plus depuis des années.

Le regard de la jeune femme, à la faible lueur de l’entrée de la ruelle, se voila. Elle perdit son sourire joyeux, et une expression de profonde tristesse et d’amertume se saisit de ses traits fins.

Le jeune homme le remarqua aussitôt et se sentit mal à l’aise. Il n’était pas doué pour rassurer les femmes et chercha se qu’il pourrait dire afin de changer de sujet.

- Puis je savoir ce qu’une jeune femme fait toute seule en pleine nuit dans un endroit aussi…malfamé ?
- Elle travaille ! Vous pensez sincèrement que j’aurais le droit de sortir me promener dans un quartier comme celui-ci si j’avais une quelconque famille à laquelle me rattacher ?
- Je…
- Vous n’êtes vraiment pas du coin vous ! De toute façon vos habits le montre clairement ! un homme du monde ! Vous n’avez rien à faire ici. Cracha t elle avec haine.

Shaolan la regarda s’en aller, bouche bée, surpris par ce changement de situation. Lentement son regarda dériva vers ses habits et il se rendit compte que son jean et son pull avaient laissé place à un élégant smoking noir sur une chemise blanche. En inspectant ses manches il découvrit que sur celles-ci, luisaient de magnifique bouton de manchette, apparemment en or.

Son étonnement n’était pas dû à la richesse de ses vêtements, mais plutôt au fait qu’il soit aussi fortuné, même dans le passé. Le nom « Li » était il synonyme de richesse absolu même dans les méandres du temps ? En tout cas, il n’allait pas s’en plaindre ; il aurait pu être un de ses misérables qui hantaient le Feather’s soul avec pour seul compagnie, une chope de bière de mauvaise qualité.

Reprenant ses esprits, le jeune homme constata qu’il était seul dans la ruelle. Sans attendre plus, il se dirigea vers la rue toujours animée et entreprit de se trouver un fiacre.

- Tu viens mon mignon ! je vais te faire jouir comme jamais ! Lui susurra une voix suraiguë.

Et comme pour prouver ses dires la jeune femme rousse qui venait de l’accoster posa une main insolente sur son entre jambe, le faisant sursauter.
Il se dégagea rapidement de la péripatéticienne aux cheveux de feu, sous les insultes de celle-ci, et s’engagea de l’autre côté de la rue.

Décidément ce quartier n’était vraiment pas un endroit pour lui. Soupirant, il posa son regard autour de lui mais ne vit aucune voiture. Puis quelque chose attira son attention, ou plutôt quelqu’un. Elle était là. De l’autre côté de la rue entrain de racoler un homme dont l’esprit avait déjà été emporté par les vapeurs de l’alcool.

Ce triste spectacle eut pour effet d’enrager le jeune homme qui serra les poings. Immédiatement, il traversa et alla se placer entre la jeune femme et son futur client.

- Venez ! Ordonna t il en saisissant le délicat poignet.
- Eh ! lâchez moi espèce de brute !

Il la tira de force plus loin, sous les insultes de l’homme qui tomba par terre, endormie. La jeune femme se débattait telle une diablesse et avait essayé de mordre Shaolan mais il avait évité la morsure de la belle en mettant sa main derrière son dos.

- Que m’voulez vous ?! Cria t elle.

Pour tout réponse, il s’arrêta, et de sa main libre fit un signe à un fiacre qui passait. Le marche pieds tomba dans un bruit métallique, stoppant les incultes et les cris de la jeune femme, qui, poussée par le jeune homme, monta en premier dans la voiture tapissé de cuire.

- Où c’est que je vous mène m’sieur ?
- 190 Queens Gate.

La voiture avança, sous les claquements des sabots des deux chevaux noirs qui la tirait, tandis qu’à l’arrière, les deux passagers s’affrontaient du regard.

- Que voulez vous de moi ?

Le jeune homme tourna lentement son regard ambré vers la jeune femme assise devant lui ; les bras croisés sur sa poitrine, outrageusement couverte par un bustier d’une vague couleur jaune, elle signifiait clairement par ce geste allié à un regard froid, sa colère et son irritation.

- Je ne sais pas. Dit il simplement en haussant les épaules, retournant à la contemplation du paysage où le jeu, lumière/obscurité avait repris ses droits.

Elle émit un grognement significatif, s’enfonçant un peu plus dans le siège de cuir noir en jetant un regard tout aussi noir au jeune homme en face d’elle, qui semblait songeur. Elle eut tout loisir de le détailler ; il avait de l’élégance et du charisme, mais quelque chose en lui sonnait faux. Elle ne réussit pas à se l’expliquer mais l’impression dérangeante que la présence de cet étrange inconnu dans cette ville était irréelle, ne la quittait pas, depuis le moment où elle l’avait vu devant les portes du Feather’s Soul, quelques minutes auparavant.

Sentant le regard de la jeune femme posé sur lui, Shaolan se retourna vers elle. Il ne souriait pas mais ne semblait pas en colère non plus. Il la considéra silencieusement puis d’une voix quelque peu hésitante qui fit sourire la jeune fille de joie pendant un court instant, il lui reposa la même question qui lui brûlait les lèvres.

- Quel est votre prénom ?

Elle fronça les sourcils devant l’entêtement de l’étranger mais néanmoins lui adressa un faible sourire.

- Vous êtes obstinez dans votre genre !

Il rit nerveusement.

- On me le dit souvent. Répondez…s’il vous plait.
- Pourquoi tenez vous tant le savoir ? Ce n’est jamais qu’un prénom ! s’emporta t elle.
- Je vous ai bien dis le mien
- Je ne vous ai rien demandé !
- C’est vrai…

Baissant la tête, il se retourna vers la vitre et ne dit plus rien. Elle fut surprise de le voir abandonner si vite et soupira, agacée.
Au même moment la voiture s’arrêta dans un mouvement brusque mais maîtrisé.

- V’z’êtes arrivé ! S’exclama le cochet en faisant tomber le marchepied dans le même bruit métallique.

Shaolan ouvrit la porte et descendit en premier, le cœur battant, il resta planté devant la portière, abasourdit. Pas que le luxe du manoir qui se dressait fièrement devant lui l’impressionnait, c’était surtout le fait qu’il avait déjà été dans cet endroit, et il y avait de cela exactement un mois.
C’était à Londres de nos jours, et l’hôtel « Gore » était le cinq étoiles que sa secrétaire avait choisi pour une réservation. Et il se tenait exactement devant la même bâtisse, certes un peu plus ancienne, et les nouveautés du vingt et unième siècle n’y avaient pas encore été ajoutées mais le jeune homme le reconnut immédiatement.

- Auriez vous l’obligeance de me laisser sortir ? Ou préférez vous que je reparte peut être ? Lança une voix irritée derrière lui.

Emergeant, le jeune chinois s’écarta un peu pour laisser la jeune femme descendre. Elle lui lança un regard de travers et posa ses yeux sur le manoir ; sa réaction ne se fit pas attendre, sa bouche s’entrouvrit légèrement accompagné d’un regard admiratif.

Le jeune homme tendit deux piécettes au cochet qui le remercia d’un hochement de tête avant de s’en aller dans la rue où la brume l’englouti, seul le bruit des fers contre les pavés de pierre hanta l’endroit pendant un moment puis le silence revint.

- Vous venez ?

Pour toute réponse la jeune femme hocha la tête presque timidement et le suivit. Ils montèrent quelques marches et au moment où Shaolan allait tirer la chênette la porte s’ouvrit.

- Bon retour Monsieur. S’exclama une vieille femme en s’inclinant quelque peu.

Le jeune homme la reconnut immédiatement ; c’était elle qui lui avait donné ce fichu bouquin qui l’avait conduit dans ce monde dont il ne savait rien, où peut être la puanteur du quartier d’où il revenait. La vieille femme lui sourit amusé devant son air perdu, mais il se décida à entrer, suivit de près par son invitée qui ne se sentait pas vraiment à sa place dans cet endroit trop luxueux pour elle.

Ils suivirent la vieille domestique jusqu’à ce qui semblait être le salon. Un feu aux flammes rougeoyantes ronflait paresseusement dans le foyer d’une cheminée en marbre blanc. Autour étaient disposés trois fauteuils revêtus de velours rouge, le plus large prenant place au milieu. Un tapis de la même couleur aux bords argentés cachait une partie du parquet d’un marron clair visiblement bien ciré.

La domestique dans son habit blanc et noir s’inclina une dernière fois et disparut dans un couloir, laissant le maître des mieux et son invitée dans un mal aise palpable.

Shaolan retira son long manteau noir, le déposant sur le dossier d’un des fauteuils et s’affala sans ménagement sur l’un d’eux, épuisé. Trop d’émotion en trop peu de temps. Il ferma les yeux en lâchant un long soupire.

- Prenez un siège, ne restez pas comme cela à me regarder. Dit il, toujours paupières clauses.

Elle sursauta sortant de sa contemplation muette du jeune homme qu’elle trouvait décidemment de plus en plus étrange. Elle s’assit à l’autre bout du fauteuil, et fixa les flammes d’un air absent, jetant néanmoins quelque regards vers son hôte qui gardait toujours les yeux fermés. Les souvenirs de leur baiser dans la ruelle lui revint en mémoire et instinctivement, elle porta sa main droite à sa bouche, caressant ses lèvres un instant. Se reprochant mentalement cette attitude enfantine, la jeune femme reposa sa main sur sa cuisse.

- Pourquoi m’avez-vous emmenée ici ? Demanda t elle calmement.
- Je crois vous avoir déjà répondu sur ce point.
- On n’emmène pas une catin chez soi pour rien ! S’exclama t elle en levant quelque peu la voix.

Au mot « catin » il avait sentit une colère sourde monter en lui. Il ouvrit les yeux brusquement et l’obligea à le regarder en l’attirant violement à lui. La jeune femme fut surprise de changement de situation mais se repris bien vite, le défiant de ses émeraudes.

- Ne redites jamais cela. Siffla t il en encrant son regard ambré dans le sien.
- Redire quoi ? que je suis une catin ? une péripatéticienne ? une entraîneuse ? une fille de joie ? des rues ? ou alors préférez vous les mots gueuse, racoleuse, tapineuse ?

S’en fut trop, sur cette dernière insulte le jeune homme posa violement ses lèvres sur celles de la jeune femme la faisant basculer sur le canapé de velours. Elle entrouvrit immédiatement sa bouche et Shaolan ne se fit pas prier avant d’y glisser sa langue qui chercha celle de sa compagne avec passion. Emporté par la fièvre du désir, le jeune homme s’enhardis et déposa une main sur les seins blancs presque nus de la jeune femme. Il descendit ses baisers dans le coup tout aussi blanc de sa compagne, prenant un malin plaisir à suçotant la peau nacrée la faisant gémir.

Il s’arrêta aussi soudainement qu’il avait commencé, s’écartant un instant du corps brûlant de la courtisane et chercha ses yeux où la flamme du désir brillait clairement. Elle le regarda un instant, perdue puis se redressa complètement, l’obligeant à reculer.

- A quoi diable jouez vous ? Faites le qu’on en finisse ! C’est mon métier, et si ce n’est pas vous et bien cela sera un autre ! Les hommes en manquent de tendresse ne sont pas rares. Ne me faites pas perdre mon temps je ne suis pas riche moi. Dit elle en se levant.
- Vous n’irez nulle part. Assura t il en la tirant par le poignet, l’obligeant à se rasseoir. Si c’est une question d’argent je vous paierai mais vous ne sortirez pas tant que vous n’aurez pas consentie à me dévoiler votre prénom.

Il s’entendait dire tous ses mots, il s’était senti embrasser la beauté qui l’accompagnait sans s’en rendre compte. Ce n’était pas entièrement lui qui agissait. C’était comme si il y avait deux personnages dans le même corps, lui pensait, l’autre agissait. Et cet autre aussi ressentait. Ce n’était pas vraiment bien clair comme sentiments, mais cette jeune femme le fascinait assurément. L’idée que d’autres mains se soient posées sur cette poitrine si parfaites ou aient osé faire pire lui était insupportable, c’est pourquoi il ne voulait pas qu’elle lui rappelle cet affreuseté qu’elle osait appeler « métier »…c’est pourquoi il voulait savoir son prénom.

Elle le considéra un instant en silence, ferma les yeux, sentant les larmes d’un passé oublié remonter à la surface et respirant profondément elle posa son regard maintenant triste sur Shaolan.

- Très bien. Dit elle d’une voix qu’elle voulait maîtrisée. On m’a jadis donné le nom d’une fleur dans la langue de mes ancêtres, une fleur de cerisier, je me nomme…
- Sakura. Finit il.

24 septembre 2007

Chapitre I : An Almost Normal Day

Shaolan soupira pour la énième fois. Décidément ce n’était pas sa journée. Il osa un regard vers le rétroviseur et sa mine s’assombrie davantage ; une marrée de voiture derrière, une autre devant.

- Foutue ville ! Va vivre à New York mon fils, ça te changera les idées et tu pourras t’occuper des affaires que nous avons là bas, qu’elle disait ! Je voudrais bien l’y voir moi ! S’exclama t il en allumant la radio.

Shaolan éclata de rire malgré lui en entendant les paroles de la chanson qui jouait sur les ondes. Un rire amer, un rire sans une once de joie. Il posa sa tête contre le volant et regarda sa main droite où brillait une alliance en or.

La situation que relatait la chanson qui finissait à la radio lui faisait penser aux innombrables disputes qu’ils avaient depuis leur mariage. Deux ans. Il lui semblait pourtant que cela faisait des siècles qu’il avait fait sa demande dans ce petit restaurant japonais.

Mais seulement deux ans avaient passés, deux ans de « je t’aime, moi non plus », deux années passées à mentir aux autres en leur affichant un couple au comble du bonheur et de la quiétude. Ils en étaient arrivés à se mentir entre eux, avec les « chéris » dit d’un accent forcé et les « je t’aime » aussi rare que les embouteillages étaient continuels dans la ville.

Alors pourquoi ne pas divorcé ? Après tout il n’avait que 25 ans et pas encore d’enfant que cette séparation pourrait bouleverser. Elle ne l’aimait pas, lui non plus cela ne servirait à rien de maintenir une relation qui leur empoisonnait la vie autant à lui qu’à elle.

Shaolan releva la tête et se surprit à avoir le tournis. Trop vite. Il ferma les yeux un moment et l’image de sa femme se forma sous ses paupières closes ; Lya…

- Deux semaines maximum…

Il sourit amèrement ; cela faisait un mois qu’elle était partie maintenant. Avec la petite scène du couple parfait qu’ils avaient joué avant le départ de la jeune femme il avait eu la prétention d’espérer qu’elle tiendrait parole et que, à son retour, ils pourraient s’expliquer et essayer de sauver les meubles mais elle n’avait même pas daigné lui passé un coup de téléphone.

Quelle vie ! Et quelle ville ! Encore une heure à attendre dans le trafic pour finalement ne pas en sortir. Il n’avait dû avancer que de quelques centimètres et le fait de penser à Lya le rendait encore plus exécrable. Sans vraiment savoir pourquoi il sortit de sa voiture et rajustant les pans de son manteau, il se dirigea vers la première ruelle qu’il trouva et s’engouffra dans celle-ci.

Il marcha, marcha, marcha encore et encore sans but précis. Il voulait juste fuir le plus loin possible de cette voiture, espérant ainsi fuir les pensées qui l’assaillaient dans le véhicule.

Puis il s’arrêta aussi soudainement qu’il était sorti de sa voiture et leva la tête vers une enseigne en bois, dont la peinture se craquelait par endroit, qui laissait voir la moitié d’une inscription en blanc, sur le fond anciennement vert bouteille.

- Fea…lut il en plissant les yeux.

Mais le reste resta un mystère pour le jeune homme qui n’insista pas. La vitrine de la petite boutique était toujours intacte bien qu’elle ne laissait rien voir de ce qu’il y avait à l’intérieur. Curieux de nature, le jeune homme se dirigea vers la porte et fut surpris, en tournant la poignée, de voir la porte s’ouvrir dans un grincement morbide suivit de très près par une petit « dring » aigu.

Levant la tête Shaolan vit une petite clochette en argent qui tintait joyeusement au dessus de sa tête. Il entra. Devant lui se dressait une petite pièce vide de tout mise à part l’épaisse poussière qui s’attardait sur les étagères des bibliothèques vident de leur vrai occupants.

- Oh une ancienne librairie. Dit-il en se dirigeant vers ce qui devait être le comptoir.

La pièce était faiblement éclairée par les quelques rayons qui réussissaient à se faufilait parmi la saleté qui ornait les vitres des fenêtres et de la vitrine. Sur le comptoir en bois, une sonnette, semblable à celle que les hôtels possédaient à la réception, était posée docilement. Shaolan posa sa main dessus et un « dring » plus grave que celui de la porte retentit en écho dans la boutique.

- J’arrive ! Cria une voix qui le fit sursauter.

Aussitôt, une vieille femme apparut derrière le comptoir et lui adressa un sourire bienveillant en le regardant par-dessus de petite lunette.

- Puis je vous aider jeune homme ? Demanda t elle d’une voix douce.
- Je…je passais et je suis entré je ne savais pas que…la boutique marche encore ? s’étonna t il

La vieille femme rit doucement devant l’air perdu du jeune homme.

- Non, sinon je pense que j’aurais fait le ménage. Voyez comme c’est sale ici mais j’y reste, puisque je n’ai nulle part où aller.
- Vous habitez ici ?
- Oui et non disons que c’est ici qu’est ma place, en attendant que mon heure soit venue.
- Vous n’avez pas de famille ? pas d’amis qui pourraient prendre soin de vous ?
- Merci de vous inquiéter mais je ne peux aller chez personne. Pas tant que mon travail ne sera pas accomplie.

Il ne comprenait pas ce qu’elle voulait dire par là mais n’insista pas.

- Pourquoi vous avez fermé ? Demanda t il enfin.
- Les gens de cette époque n’aime plus beaucoup lire il faut l’avouer, la télévision a remplacé les moments magiques que ceux de mon époque passaient entre les pages d’un bon livre.

Elle avait parlé d’une voix teintée de mélancolie, mais bien vite elle retrouva son sourire paisible et regarda Shaolan qui buvait ses paroles ; Il aimait les livres depuis toujours et sa manie de se plonger dans l’un d’eux durant des heures avait tendance à irriter sa compagne. Elle ne comprenait pas comment quelqu’un pouvait rester des heures à lires des mots et y trouver du plaisir. La définition du plaisir pour elle était dans une fête où l’alcool coulait à flot ou alors…dans un lit.

- Vous aimez lire ? Le questionna la vieille femme après un moment.
- Oh oui ! répondit il aussitôt.
- Alors je pense que celui-ci vous plaira.

Elle disparut derrière une petite porte et revint avec un livre de taille moyenne, il semblait assez ancien et la couverture, d’un rouge presque marron, était marquée d’un titre qui y paraissait gravé.

Shaolan le prit entre ses mains et se surprit à ressentir un sentiment étrange. Une sorte de vague de bien être l’avait envahi à ce simple contact. La vieille femme sourit malicieusement mais il ne la vit pas.

- Je vous dois combien ?
- Oh rien jeune homme ceci est un cadeau on va dire. Vous êtes bien la seule personne a s’être jamais arrêtée ici alors je pense que cela vaut bien le geste.
- J’insiste !
- Ne dites pas de bêtises mon enfant ! Allez maintenant je vous demande de partir il est l’heure pour moi d’aller prendre le thé dans l’arrière boutique.

A ces mots, elle lui adressa un bref hochement de tête et elle disparut derrière une petite porte.

Shaolan resta debout devant le comptoir à observer le livre un long moment avant de se résigner à sortir de la petite boutique. Derrière lui la porte se referma doucement, faisant teinter une dernière fois la clochette en argent.

*~ * ~*

Une clef tourna dans la serrure qui céda facilement et la lumière claire baigna l’appartement où le jeune homme pénétra, épuisé.

Il posa négligemment son manteau et son attaché case sur la table du salon et se laissa tomber sur le canapé, la tête renversée sur le dossier de celui-ci.

Journée catastrophique. Il était arrivé avec trois heures de retard ce qui l’avait obligé à annuler plusieurs réunions. Sa mère l’avait aussitôt appelé pour lui reprocher son manque flagrant de professionnalisme et lui avait raccroché au nez sans lui laisser une chance de s’expliquer.
Sa voiture était tombée en panne à mi chemin, un chien avait pris son pantalon pour un urinoir et pour finir, l’ascenseur de l’immeuble avait choisi ce jour ci, pour tomber en panne.

La seule chose positive en ce vendredi était son entrée dans la petite librairie. Etrange événement certes mais qui avait tout de même fait sa journée et puis il était plus qu’impatient de découvrir ce que la couverture en cuir marron renfermait de si précieux.

Il se leva lentement et se dirigea vers la salle de bain, se laissant aller sous le jet d’eau chaude. Après quelques minutes qui retourna dans le salon, le livre en main, près à débuter sa lecture à la lumière douce de la lampe de séjour.

« Ceci est une histoire dont le temps a effacé les événements mais que ces pages ont su garder jalousement, une histoire au-delà du papier et de l’encre, dans un passé maintenant oublié. Ce récit se déroule dans l’immensité de la ville de Londres sous l’air Victorienne.

L’été 1888 s’annonçait comme les autres, chaud et pas moins dénué de puanteur. Londres de cette époque, surtout l’Est de la ville se retrouvait à l’odorat. Il suffisait de suivre le « parfum » fétide du sang provenant des abattoirs et des excréments qui ornaient les pavés des rues que les troupeaux de mouton empruntaient vers leur mort.
Le « East End » sera le décor de cette histoire qui commence dans l’obscurité de cette ville qui une fois le soir venu, se drape d’un manteau de froideur et d’humidité. Les ruelles se croisent et se ressemblent, toutes sombres et boueuses à l’image de ce que le peuple londonien des bas quartiers était.

Sur la pierre d’un mur crasseux, une inscription à moitié lisible annonçait avec insolence le nom du quartier de débauche : Whitechapel »

Shaolan leva le nez de son livre en sentant une odeur bizarre dans l’air. Il fronça les sourcils et posa son regard sur le salon mais rien d’anormal ne se trouvait à l’horizon. Il reporta alors son attention sur les lignes du livre qui lui plaisait déjà.

Il fut surpris de voir la suite de la page s’effacer sous ses yeux. Il faillit lâcher le roman mais le reteint de justesse sur ses genoux. Le jeune homme continua d’observer les lignes qui s’estompaient des deux pages et quand ce fut fait, une sensation étrange l’envahit, le prenant au ventre et une odeur nauséabonde lui écorcha les narines. Il ferma les yeux en espérant les rouvrir sur un salon vide où il rirait de se rêve qui tournait au cauchemar.

Mais quand l’ambre de ses yeux se posa sur le monde, il poussa un cri de stupeur en reculant d’un pas, se heurtant à quelque chose de dur. Essayant de garder son calme malgré la peur qui le hantait au plus profond de son être il se retourna vers ce qui l’empêchait de s’enfuir et soupira de soulagement en voyant que ce n’était qu’un mur sale et mal odorant.

- Un mur sale et mal odorant…Souffla t il en fixant la pierre avec horreur.
- EH VOUS !

Le cœur de Shaolan manqua de lâcher en entendant ce cri qui, il ignorait s’il lui était adressé.

- NE BOUGEZ PAS ! s’écria la voix grave.

Comme si je pouvais ! Pensa le jeune homme avec ironie en se retournant lentement vers la personne qui l’interpellait.

Devant lui se tenait un homme plus petit que lui mais qui compensait largement par sa forte carrure et son ventre rebondit qui semblait prendre un malin plaisir à vouloir faire céder les boutons de l’uniforme noir. Un visage poupin barré d’épais sourcils froncés, un nez en forme de pomme de terre, sa bouche surplombée d’une moustache touffue montrait des dents gâtées. Il agitait une lanterne devant lui en plissant les yeux pour voir le jeune homme qui semblait pétrifié.

- Qu’est ce que vous faîtes ici Mr ? reprend t il d’une voix mielleuse après un moment.

« Monsieur ? » Relève Shaolan en écarquillant les yeux.

- Vous devriez rentrer chez vous, je vais vous arrêter un fiacre.

L’homme s’éloigne, laissant le jeune homme dans la pénombre de l’endroit. Shaolan se demandait se qui avait fait changer l’attitude de ce qu’il avait identifié comme étant un policier anglais. Où est ce qu’il avait bien pu atterrir ? New York ne comptait aucun quartier comme celui-ci, pensa t il en regardant aux alentours.

Soudain, son regarda se posa sur une inscription gravé dans l’une des pierres du mur qu’il avait heurté en ouvrant les yeux. Il recula de stupeur, n’osant pas croire ce que ses yeux lisaient ; Whitechapel. Il était donc…dans le livre ?

- Impossible ! s’exclama t il, ses yeux continuant de relire encore et encore le nom du quartier.

Mais les mots ne changèrent pas ; W-H-I-T-E-C-H-A-P-E-L. Onze lettres qui formaient un nom. Un simple nom mais qui donnait des frissons à Shaolan. Et le lieu où il se trouvait n’arrangeait rien. Debout au milieu de la rue près du mur qui portait l’inscription funèbre, il n’avait pour seule lumière que celle d’un réverbère dont la petite flemme orange n’offrait qu’une lueur pâle.

Tout ceci n’avait pas de sens. Comment ? Un livre ne pouvait pas vous transportez dans son histoire encore moins dans….le passé. C’était beaucoup trop « réel » pour qu’il soit simplement dans un rêve, encore moins dans une histoire purement fictive. Non, il en était persuadé il était bien dans Londres du 19ème siècle, même si c’était dur de l’accepter entièrement.

Il n’eut pas le temps d’approfondir ses réflexions, un hennissement ayant attiré son attention.

- Voilà M’sieur ! Rentrez bien. Dit l’homme en revenant vers lui.
- Merci…euh…tenez.

Joignant le geste à la parole, il porta sa main à la poche de son pantalon et en sortie un billet qu’il tendit à l’officier. Ce dernier le gratifia d’un sourire édenté.

- M’sieur est trop bon. S’exclama l’homme en fourrant l’argent dans sa poche.

Shaolan le regarda s’éloigner, puis il se décida à monter dans le fiacre dont le cochet semblait s’impatienté.

- Où c’est qu’j’vous emmène ? Demanda l’homme d’une voix sèche.

« Bonne question…réfléchis, réfléchis… »

- 190 Queens Gate !

Sans attendre plus, le fiacre s’ébranla et Shaolan n’entendit plus que le bruit des sabots des chevaux contre les pavés.

D’où sortait cette adresse ? Il ne savait pas où cela se situait et encore moins ce qu’il trouverait en arrivant à destination. Ce n’était pas lui qui avait prononcé ces mots ; à peine avait il ouvert la bouche pour exprimer son ignorance qu’il avait entendu les deux mots de sa propre voix.

Etrange…de plus en plus étrange…de moins en moins rassurant ! La soirée s’annonçait longue…très longue.

24 septembre 2007

Prologue

« Bonjour ! Nous sommes le Lundi 16 janvier ! La température est de cinq degrés alors n’oubliez pas de sortir couvert ! Je vous rappelle que vous êtes sur les ondes de HZK9 merci de votre fidélité ! Nous enchaînons donc avec le nouveau tube de Ta… »

- TA GUEULE ! s’exclama une voix émergeante des landes du sommeil.

Elle fut rapidement suivie par un bruit métallique puis celui du craquement morbide du pauvre radio réveil qui venait de rendre l’âme sur le sol froid de la chambre aux murs verts.

Le jeune homme se redressa péniblement sur son lit, jetant un coup d’œil à l’appareil qui gisait près de ses pantoufles

- Et voilà ! Le quatrième en trois semaines ! Soupira t il en se laissant tomber lourdement contre les oreillers. AIE !

Il se massa le crâne en insultant le montant du lit qui, selon lui, n’avait rien à faire derrière lui. Péniblement, il se leva, se dirigeant lentement vers la salle de bain et se regarda dans le miroir.

- Sale tête….Lança t il à son reflet

Ne s’attendant pas à recevoir une quelconque réponse, il se dirigea vers la cabine de douche.

- Bonjour mon cœur ! Dit une voix enjouée quand il entra dans la cuisine.
- Ah tu t’en vas déjà ? s’exclama t il en remarquant la tenu de travail que portait la jeune femme.
- Oui je dois y aller, l’avion part dans un quart d’heure et ils veulent absolument que je fasse partie de ce vol.
- Tu rentres quand ?
- Dans deux semaine grand maximum.

Il soupira en se prenant une tasse de café noir fumant. Il n’aimait décidément pas le nouvel emploie du temps qu’elle avait.

- S’il te plait Shao essaye de comprendre ! S’il ne tenait qu’à moi, j’aurais pris un boulot dans l’aéroport mais ils ne veulent rien entendre !
- Je sais…c’est juste que tu vas me manquer.
- Oh ! Dit elle, attendrit en allant se réfugier entre ses bras.
- Deux semaines c’est tout !
- Je te le promets mon cœur.

Elle déposa ses lèvres sur celle du jeune homme pendant un court moment, quand le bruit d’un klaxon les interrompit

- Je dois y aller. Dit elle, ses lèvres toujours près de celle de Shaolan

Il la lâcha à contre cœur et elle se précipita vers la sortie, après lui avoir déposé un rapide baiser sur la joue.

Shaolan se posa à la fenêtre où il la vit mettre sa valise dans le coffre du taxi jaune. Elle se retourna vers l’immeuble, l’apercevant à la vitre et lui adressa un sourire désolé, puis elle monta dans la voiture qui démarra aussitôt. Il soupira et s’éloigna des rideaux, reposant la tasse encore pleine du liquide chaud sur le comptoir de la cuisine.

23 septembre 2007

Chapitre II

Je plains ceux qui,
Ne tenant pas un journal intime,
N’ont aucune raison de noter
Ce qu'ils auraient intérêt à oublier.

-Philippe Bouvard

Paris, Janvier 1888

Que l’éternité semble longue….

…Pourquoi est-ce que j’use mon temps à poursuivre ces écrits dont le début m’échappe et la fin me nargue. Ce journal pourrait aisément me nuire à tomber entre des mains malintentionnées. Pourtant je continue à noter mes journées qui se suivent pour se ressembler inexorablement. Similaires même sans l’être, voilà ce qu’on appelle les tourments de l’infinité.

Je dois avouer que je m’inquiète ces temps-ci. Cela n’arrange certes pas mon humeur mais au moins, cela me change. Mes soucis portent un nom : Xiah.

Les nuits se suivent et lui s’enfuit. Il a beau le farder de ses sourires légers, je perçois distinctement ses pensées troublées, son anxiété pressée et son soudain penchant pour le brandy le plus pur. La délicatesse de l’ami laisse peu à peu place à l’imprévisibilité de l’inconnu qui se reflète dans son regard continuellement lointain.

Je devrais le suivre de temps à autre et sonder le secret cruellement menaçant de ses nuits d’évasion. Ce nœud en ma gorge que même l'absinthe non distillée n’a su défaire, me fait craindre d’obscurs desseins.

Paris, Février 1888

Je l’ai suivi. Rompant le pacte de nos sangs, je l’ai suivi jusqu’à son sanctuaire de perdition. Moi en qui il avait foi je l’ai suivi, trahissant son amitié et lui en qui ma foi se perdait m’a montré l’illusion de mes opinions sur sa personne. Voici donc pourquoi l’on se doit de se tenir à l’écart des affaires de ses amis ; la déception de ce qu’on y trouve n’a d’égale qu’un coup de poignard jusqu’à l’âme.

Nous étions encore à flâner merveilleusement bien installés sur les peut être trop agréables fauteuils du salon privé que nous occupions dans un quelconque établissement de bonne renommée ; le changement est un privilège que nous nous accordions librement. Michaël à son piano et Max perdu dans un livre, il ne restait que U-Know avec qui converser. Et je n’étais pas vraiment enclin à converser. Je me levai donc, exprimant l’envie de prendre l’air pour quelque secondes, et m’éclipsai dans la nuit froide des rues encore animées. C’est là que je le vis. Au fond, je n’étais pas dehors pour l’air, je pressentais sa rencontre ; L’un de ces dons qu’on qualifie d’obscures pour leur penchant à se manifester dans les instants où on les voudrait muets.

Ses pas rapides claquaient contre les dalles accompagnant sa hâte d’une mélodie agaçante dont il ne semblait pas le moins du monde conscient. Je compris alors que son empressement était tout sauf dû à son retard à nous rejoindre. Impatience grandissante et anticipée, à peine voulue et savourée ; Il aimait ce sentiment de danger que lui procure cet acte qu’il sait interdit mais dont il persiste la répétition depuis un mois.

Dans un bruissement à peine perceptible de ma cape, je le talonnai donc. Pas après pas, halte après halte, j’aurais aisément pu passer pour son ombre pendant les quelques minutes qui défilèrent au rythme de notre marche. Nous quittâmes le luxe agréablement parfumé pour la pauvreté pestilentielle de la populace. Rien de plus dégradant. Je m’étonnai de le voir ici bas alors que sa répugnance à se servir d’un verre à peine effleuré par un domestique le rendait irritable pendant les heures à venir.

Il s’engouffra dans une taverne à la façade repoussante, comme avalé par la crasse de l’établissement.

A cet instant je me dis que j’étais sans doute allé trop loin dans ma traque silencieuse. Une fois le secret de ses escapades percé que ferais-je alors ? Le confronter et me déclarer ainsi, aux yeux de tous, ami indigne de leur confiance qui a eu l’audace de suivre l’un des notre, me rabaissant au rang d’un vulgaire détrousseur. Jamais.
…Néanmoins, pour ma satisfaction personnelle et comme remède à mon monde de déjà vu, je fis fi de toutes mes résolutions éphémères d’amitié consciencieuse et entrai à sa suite.

Je peux encore, rien qu’en fermant les yeux, sentir cette puanteur qui assiégeait l’endroit rendant l’air lourd, écrasant, oppressant. L’envie de vomir me prit tandis que mon regard cherchait la silhouette familière dans la pénombre partielle de la pièce. Nulle part. Je ne le vit nulle part.

Paris, Mars 1888

Que l’imprudence du regret de l’inachevé est tyrannique. J’aurai dû le chercher. J’ai repris le chemin du « Duchesse » sans plus d’effort pour le retrouver dans le faible éclairage aveuglant du lieu de débauche.
…J’aurais dû, oui, j’aurais dû.
Mais je ne l’ai pas fait et à présent les conséquences sont irréversiblement fatales...

Il ne manquait que lui dans le salon de la chambre que nous avions retenue pour la nuit. D’un accord presque commun, la décision de dîner ensemble avait été prise. Diner ; Que ce mot résonne d’humanité…Il n’en est rien.

J’avoue que je ne suis pas particulièrement friand de ce procédé. Mais n’ayant pas le cœur à sillonner les ruelles sombres de Paris en ce soir pluvieux, je ne suivis donc pas Max quand il se retira, nous souhaitant une agréable soirée d’un regard dégouté. Il faut dire que le plus jeune d’entre nous est sans nul doute le plus respectueux du « protocole » ; un ramassis de règles qu’il se fait honneur et devoir de suivre, que nous autres avons fait mine d’oublier depuis longtemps.

Michaël à son éternelle partition inachevée et moi à mon ennui inaltérable, U-Know passa la porte en compagnie de deux créatures outrageusement peinturlurées. Le rire dérangeant et déjà à moitié ivre, elles chancelaient au bras de celui qui les avait sans doute gracieusement payées pour le suivre. U-Know jubilait. Je le voyais à ses yeux qui brillaient d’envie, de luxure. Je le sentais à sa voix devenue légèrement plus rauque. Je me sais le seul capable de percevoir ces changements chez mes frères. Je ne m’en vante pas pour autant mais pour ce qui est de U-Know, il est vrai que notre passé commun m’a instruit bien des choses sur le personnage ; Nous sommes allés plus loin que le stade de la simple amitié innocente mais nous ne le sommes plus ; Amants je veux dire. Toutefois, cela n’affecte en rien mes aptitudes à percevoir ses désirs quand ils se manifestent. Bien avant que lui n’en soit complètement conscient.

Les « demoiselles » s’affalaient entre les coussins, s’esclaffant sans raison apparente. Leurs toilettes bien que soignées, empestaient le Paris pauvre et la fornication à m’en faire vomir. Mais la faim se faisait plus présente. De toute façon, qu’elles fussent issues de la misère nous convenait davantage ; Personne ne poserait de question à la disparition de quelques putains sans le sou et leur maquereau aurait vite fait de les remplacer. Ce n’est pas les filles de joies qui se font rare même dans un siècle où on clame avoir trouvé la lumière.

Les notes légères de la mélodie de Michaël flottent dans l’air. Cela emplit la pièce mais n’étouffe pas pour autant la conversation de U Know et sa charmante compagnie. Notez mon ironie. Parlons un peu de mon ancien amant, j’aurais assez de mon temps pour relater ce qui est advenu de nous quand ce cher Xiah a fait une entrée des plus fracassantes. U Know ; Je ne citerai pas son passé mais m’étalerai plus sur sa façon de « chasser ».

C’est un séducteur, néanmoins pas de la même manière que l’est Xiah. Lui préfère converser des heures, poussant ses victimes à révéler leurs secrets les plus intimes, à s’ouvrir à lui comme on se confesserait le dimanche, les mains jointes, les yeux baissés dans une gêne pieuse. C’est ainsi qu’il agit. C’est ainsi qu’il prend tout son plaisir. Découvrir et connaitre, pour tuer et ruiner des vies qu’il garde en mémoire comme l’on collectionnerait des papillons desséchés. Macabre et malsain que ceci qu’il nomme son « art ». Cela l’est peut être…Qui suis-je pour le juger ?

« Monseigneur ! C’que v’z’avez comme talent ! Vot’ musique ne manque point de grâce je le jure sur la tête de ma pauvre mère ! C’est vous dire ! J’n’ai jamais entendu pareil son ! » S’exclama la rouquine des deux.

Sa voix, haut perchée, m’arracha un rictus. Se dandinant d’une jambe à l’autre elle semblait exécuter ce qui se rapprochait d’une valse…ou titubait-elle simplement ? Quoiqu’il en soit, elle alla écraser sa poitrine généreuse plus que raison sur le piano noir. Dans une grimace qui la rendait plus laide que nature, elle se donna un air de parfaite écoute et de compréhension infinie de la mélodie. Pathétique…

Mick lui adressa un sourire qui se voulait poli. Je le sais amusé de l’attitude caricaturale de la jeune femme. Il poursuivit son touché des notes d’ivoires ne la quittant pas du regard. Entre deux accords, le pianiste se saisit d’une main aux ongles rongés et sous l’émerveillement de la donzelle, lui baise la paume comme on effleurerait des lèvres une rose.

Une rose…voici l’exacte image que donne Michaël à ses victimes. Une rose dont la couleur et le parfum n’est su que de lui et lui seul. Il prend le temps de les humer, de les mémoriser pour en faire une partie intégrale de son être, de son œuvre ; sa musique. Chaque partition qu’il compose est un ensemble de roses dont il a pris soin de cueillir l’essence de ses lèvres. Il me revient un jour où il m’a parlé de la présence d’une mélodie dans chacune de ses proies. C’était, toujours selon lui, les battements de leurs cœurs qui faisaient vibrer leurs âmes de symphonies qu’il était certainement seul à ouïr.

Je m’admets un penchant pour sa façon de procéder. Il est bien le seul à agir de la sorte, percevant des choses que mes dons impénétrables ne me concèdent guère. Ceci n’est point de l’envie, je me sais incapable d’offrir quelque forme de considération déplacée pour mes proies. A mes yeux, ce ne sont que des êtres auxquels seul le tiraillement du besoin primal me lie.

De cette même main dont il retire sa bouche, il la fait asseoir à ses côtés sur le tabouret au coussin de velours. Elle s’exécute, riant à en briser le cristal que j’ai pris soin de vider avant leur arrivée. Michaël poursuit sa partition d’une seule main. De l’autre, il guide le poignet de la jeune femme à ses lèvres à nouveau, cette fois-ci elle ferme les yeux sous la caresse du souffle du pianiste sur la peau blanche, transparente à cet endroit. Son regard s’attarde sur les veines palpitantes et je sus qu’il y voyait une autre rose. Enfin, comme on découperait la tige, scellant le destin de la fleur, il pose ses lèvres en un baiser froid et puis…la rose se fane, comme ses sœurs avant elle.

Je m’en retourne enfin vers U-Know qui continue de parler à n’en plus finir. Mon regard, qu’il croise, lui fit comprendre que je n’étais plus disposé à attendre. Il mit fin alors à la conversation avec la jeune femme qui ne cacha point sa déception. Cela fut rapide ; S’il y a bien une chose que je partage avec U-Know, c’est bien notre répugnance à prendre notre temps une fois l’amusement tari.

Se défaire des corps est chose relativement aisée. Il suffit de les abandonner aux ténèbres d’une quelconque ruelle, ou de les jeter à la Seine qui les tire en ses profondeurs sales. C’est cette dernière option que nous choisîmes. U Know et Mick s’en chargèrent, tandis que je restai à préparer mon élixir vert en guise de … dessert dirons-nous.
Et puis le cours de la soirée reprit : Michaël à son éternelle partition inachevée, moi à mon ennui inaltérable et U-Know qui me narre la vie de cette gueuse dont il a pris soin de récolter les souvenirs pénibles d’une vie misérable dès ses premiers cris de nourrisson poisseux. C’est ce tableau que vint troubler Xiah dans un état d’affolement effrayé. Le regard égaré, les membres tremblants, il semblait être sur le point de s’affaler sur le tapis persan. Mais ce qui nous frappa, bien avant tous ces signes, fut ce qui souillait ses mains, sa chemise, son visage ; Du pourpre à nous enivrer l’esprit, à faire délirer nos sens.

« …Je l’ai tué… »

Ce fut l’unique chose qu’il hoqueta avant de s’effondrer à terre, son visage pâle baigné de larmes vermeil. Du sang, du sang…du sang.

23 septembre 2007

Chapitre I

La nuit se reposait oisivement sur Londres endormie. De sa voix pâle et rauque elle soupira, lasse d’ennui. La lune ne brillait pas de son éclat joyeux, laissant le ciel à la libre envie des nuages qui lourdement flottaient sur le noir firmament, obscurcissant davantage son humeur.

« Je me sens l’âme vide » Ainsi s’exclama le soir dans sa déprime insistante.
« Je ne te savais pas une âme » lui répondit-on.

La flammèche de la bougie qui se mourrait lentement dans son socle, au sommet du réverbère de la rue déserte oscilla faiblement, jetant sa lumière blafarde sur un visage d’une pâleur fantomatique. Ses paupières étaient closes, savourant sans doute de mystérieuses pensées qui étiraient ses lèvres outrageusement rouges en un sourire narquois.

« Que fais tu ici mon ami, le « Quills » auraient il prit congé de son plus fidèle client ? » Se moqua l’autre, faisant résonner ses talons sur les dalles froides de la ruelle. Ses yeux d’un noir profond miroitaient de toute la moquerie dont sa phrase était peinte tandis que sa bouche s’étirait discrètement dévoilant tout l’amusement que son interlocuteur lui procurait.
« Il me semble, mon ami, que cela ne te regarde en rien » Répliqua l’autre, ne daignant pas lui accorder un regard. « Toi, par contre, je devine que Margareth ne te refuse plus son lit, je puis sentir son parfum sur chaque parcelle de ton corps. Tu empestes l’amour, c’en est suffoquant. »
« Vraiment ? » S’enquit l’individu, amusé. Puis, portant une main à son nez, il huma délicatement le revers de la manche du costume noir.
« Oui, vraiment. »

Sans une réplique de plus, il lui tourna le dos, s’estompant en silence en fur et à mesure qu’il s’enfonçait plus profondément dans les méandres de la ville.

Londres et ses nuits brumeuses finissaient toujours par le mener là où il s’assurait pourtant de ne plus jamais échouer. Mais voilà. Cette nuit aussi n’était visiblement pas encline à le laisser échapper. La porte s’ouvrit avec un grincement lugubre, comme si l’endroit se riait de sa victoire sur le fier personnage. La lumière lui fit mal aux yeux pendant un instant puis la senteur délicatement piquante de l’opium l’enveloppa, entrainant son corps, faute d’âme, à pénétrer dans le lieu de perdition où l’inconscient prend possession du corps pour en faire son œuvre.

Un cirrus bleuté flottait voluptueusement sur la salle aux murs voilés de tentures de satin noirs et rouges. Au fond on pouvait distinctement apercevoir, même sans le vouloir, un dragon pourpre dont la tête était dirigée vers le bas, signe de déshonneur, signe de péché. Ses yeux fixent semble défier l’imprudente âme qui ose s’avancer en ce lieu. Les mêmes âmes dont les corps à premier abord sans vie, échoués de par et d’autres de la salle principale. Le « Quills » son havre de paix.

A cette pensées les lèvres du jeune homme s’éprirent d’un sourire désabusé ; havre de paix…que cela sonne faux et imperceptiblement vrai…

Sans attendre qu’on s’occupe de sa personne, il se perdit dans un dédale de couloirs pour promptement échouer devant la toute dernière salle. Son salon privé. Il n’était pas vraiment privé mais quand lui était là, l’endroit le devenait assurément ne tolérant l’accès qu’à nul autre que la maîtresse de maison et quatre autres privilégiés.

Las, il se laissa tomber sur la méridienne au cousin moelleux et ayant clos ses paupières, il tendit une main dans le vide où bien vite on y déposa une pipe au parfum âcre. Portant l’objet à ses lèvres il aspira, s’abandonnant entièrement aux effluves de la drogue.

Mais plus que le plaisir éphémère de l’illusion psychédélique pâlissante d’un bien être plus frustrant que libérant, l’absinthe était définitivement son amie la plus fidèle. Celle qui seule le comprenait, qui seule l’emprisonnait loin du poids de la mémoire, du poids de la mort et du toujours. Il ne connaissait de la vie que la nuit, et aurait tout donné pour ne serait ce qu’un infime aperçu de la magnificence d’une aube éclatante de vie.

Le tintement de la petite cuillère en fer sur le rebord du verre en cristal suffit à lui faire ouvrir les yeux. D’un geste de sa part, la vieille chinoise se retira laissant la bouteille, le paquet d’allumettes et le sucrier en porcelaine à sa disposition. Se redressant, le jeune homme en fin buveur qu’il était assurément, déposa délicatement un morceau de sucre sur la cuillère et craqua une allumette dont la flamme dansa devant ses yeux vides, avant d’aller brûler jusqu’à le fondre, le morceau blanc dans une soudaine flamme bleuté. Le liquide sucré s’égoutta rapidement dans le verre, allant rejoindre la liqueur amère. Finalement, il laissa tomber l’ustensile dans le cristal puis remua le tout.

Tout un rituel pour tout un plaisir. Prenant le temps de savourer l’eau verte, qu’il aurait volontiers qualifiée de sacrée, il offrit le verre à son odorat avant de la faire goûter à son palais. Tous ses sens étaient en éveille. Il se sentait presque…en vie.

« Je vois que ta chère et tendre se consume sur tes lèvres. Dérangerai-je ? » Résonna une voix au timbre profondément chaud.
« Pourquoi dispenser de ta salive a demandé des choses que tu sais déjà… Michaël» Lui répondit le buveur.

Il leva les yeux vers ce qu’on pouvait appeler son ami. Du moins, dans une certaine mesure.

« Vrai, vrai. Tu me pardonneras de ne pas te joindre, rien ne me fait plus horreur que cette verte dont tu ne semble plus pouvoir te séparer. Sans te vouloir offense Jae, tes goûts, mon ami, sont empreints d’une monotonie lassante ces dernières décennies. » Commenta le jeune homme, prenant place dans un fauteuil aux mêmes tons que l’endroit: Rouge et Noir, comme l’un des plus grands romans du siècle lumineux, et à l’image de leur monde à eux. Noir et rouge, les seuls couleurs d’un arc-en-ciel sombrement sanglant.

« Tu trouves ? Il faut croire que même le plus parfait des êtres a droit à ses moments de médiocrité. »
« Je ne nous vois point comme étant des êtres parfaits. Bien au contraire, la perfection est bien la dernière chose dont nous pouvons nous flatter»
« Maxwell, toujours aussi aimable envers tes semblables. » S’amusa Michaël observant le nouvel arrivant prendre place au côté de Jae qui se délectait littéralement de sa liqueur, ayant visiblement oublié l’opium dont l’odeur se diffusait dans la pièce.
« Max suffira, Micky » Grinça le plus jeune des trois.
« Ta manie des raccourcis n’est pas une chose que j’apprécie, alors cela restera Maxwell puisque Maxwell tu te nomme » Rétorqua l’autre, toujours aussi ravi de voir Max se mettre en colère pour si peu.
« Que tu peux être agaçant quand tu t’y mets… »
« Bien le bonsoir messieurs, c’est avec plaisir que je constate que nous sommes tous si unis » Vibra d’ironie une voix fluette.

Réduisant de quelques enjambés la distance entre lui et la table basse sur laquelle reposait le cristal désormais vide de toute goutte de la bleue, il tendit la main vers la pipe d’opium, n’ayant visiblement pas la patience du rituel de l’absinthe. Aspirant une longue bouffée, il reposa l’objet sur la table fronçant légèrement les sourcils.

« Humm quel délice. Comme a ton habitude, tu délaisse un si doux nuage de saveur pour cette chose affreusement amère. J’aurais beau y déversé tout le sucrier, cela resterait toujours aussi intolérablement âpre »
« Ta délicatesse se manifeste jusqu’à tes papilles Xiah » S’exclama une voix à l’embrasure de la porte.

Jae roula des yeux. « Je vois que nous sommes tous là. Merci de nous rejoindre enfin U Know»
« Tu devrais te décider à changer de nom ! » Soupira Max visiblement ennuyé.
« Mon cher Maxwell, tu ne sais pas l’effet que ce nom provoque chez les demoiselles d’ici bas. Alors cesse ta litanie cela devient lassant » Sourit le jeune homme. « Quant à toi ! » Poursuivit-il en accusant Jae du doigt. « Ne croit point que je te pardonne si facilement de m’avoir pour ainsi dire abandonner dans cette sombre ruelle. »
« Me laisserais tu entendre que tu as pris peur ! Pauvre chose sans défense que tu es… » Grimaça Jae en enflammant un autre morceau de sucre.
U Know sembla réfléchir pendant un instant. « Non. Par contre j’ai eu tout loisir de croiser une de nos vieilles connaissance : Roslow est en ville mes amis.» annonça t il d’un ton faussement enjoué.

Les mines s’assombrirent à l’entente du nom qu’ils avaient cru plongé dans l’oublie pour quelques temps.

« T’aurait il vu ? » Question Xiah

Son ami lui adressa un regard signifiant clairement le fond de sa pensée.

« Tu m’excuseras, mais après une telle annonce, c’est la première chose qui me soit venue à l’esprit»
« Nous en avions bien besoin ! » S’écria Max une fois l’information assimilée. « Cet homme est décidément pire que la peste noire»
« Grand bien lui fasse. » Lança Micky. « Il parait que les journées sont particulièrement ensoleillées à cette époque de l’année. »

Les autres le regardèrent comme s’il avait définitivement perdu l’esprit. Jae prit une gorgée de son éternelle eau émeraude. Ainsi donc il était à Londres, il arrivait définitivement plus tôt qu’escompté.

« Croyez vous qu’il nous sait ici ? » Interrogea Max interrompant les méditations de chacun.
« Le personnage est certes doté d’une certaine intelligence supérieur à la moyenne mais de là à penser qu’il ait suivit notre trace jusqu’ici, il me semble que ce serait lui donner une valeur qu’il n’a certainement pas » Répondit Micky, renversant sa tête sur le dossier du fauteuil.
« N’oublie pas qu’il a approché son but la dernière fois. » Jugea bon de rappeler U Know, se faisant fusiller du regard par Xiah.

Le silence se posa sur eux encore une fois se mêlant à une soudaine tension presque palpable.

« Faites profil bas, comme toujours.» Déclara Jae. Et Xiah, j’espère pour toi que le léger l’incident de Paris ne surviendra plus. » Finit il en jetant un regard entendu au jeune homme qui perdit définitivement son sourire.
« Non, bien sûr que non… » Marmonna t il en baissant les yeux vers le sol.
« Bien. »

23 septembre 2007

Prologue

La première chose que vos yeux voient est une salle tapissée de rouge bordeaux et de noir, dans un décor majestueusement baroque, singulièrement élégant avec sa touche de gothique le long des bougeoirs et des cadres des miroirs. Un salon enfumé de ceux que seuls les esprits pénétraient jadis, se livrant aux plaisirs des mots, à l’ivresse que seules l’absinthe et la littérature procurent, tout cela enrobé des parfums piquants du tabac que fumaient avec délectation ces hommes du monde. Votre regard se pose immanquable sur elle. Si envoûtante dans son mystère, sa silhouette attire et captive. Elle attend, mi assise mi couchée sur une méridienne au décor tracé de lignes qui s’entrelacent à s’y perdre. Sa chevelure embrun descend en cascade le long de ses épaules nues. Sa poitrine blanche, compressée dans un corsage mauve sous une robe blanche, se soulève lentement à sa respiration. Elle ne sourit pas et pourtant dans ses yeux couleur encre, se miroite toute l’ironie de vous voir en ses lieux.

« Vous voilà donc. Prenez un siège » Sa voix résonne dans le silence et vous vous sentez frissonner. Il est doux mais pourtant si froid ce son qui s’échappe d’entre ses lèvres généreusement rouge. « Bien, il était grand temps que vous arriviez. Mon ennui, si je n’étais pas déjà morte, m’aurait achevé très cher ». Ses yeux transperceraient de la glace ; Voici votre seule pensée à peu près cohérente. Sa présence vous obnubile au point de sceller vos lèvres.

« Vous ne semblez pas étonné, bien, j’en aurais été vexée. Vous êtes là pour eux n’est ce pas… Ces fameux princes de la nuit que les légendes semblent avoir oubliés mais dont je porte encore le souvenir. L’un d’eux m’a fait le saviez vous ? Il m’a même rebaptisée. C’était le plus séducteur des cinq, j’en fus amoureuse, ou peut être, le suis-je encore…Cela n’a pas plus vraiment d’importance vous en conviendrez ».

Se redressant elle prend une longue cigarette entre ses doigts fins et instinctivement vous lui offrez du feu. Des volutes grisâtres s’évadent d’entre ses lèvres avec sensualité. Tout en elle n’est que concupiscence et invitation au plaisir. Mais elle reste intouchable. « J’ai une question à vous poser avant de vous livrer le récit que vous brûlez tant de connaître. J’avoue que la réponse ne m’est pas inconnue mais je préférerai l’entendre de votre bouche ; Pourquoi eux ? ».

Seul le silence lui répond. Vous réfléchissez, bien que la réponse soit déjà claire dans votre esprit ; parce que, justement, ce sont eux. Ces cinq damnés qui n’avaient rien de commun avec les autres et dont le souvenir est tabou entre les rangs de leur race. Ils étaient ensemble et plus puissants que nul autre. Au sommet de tout et de tous, ils avaient su garder distance sans faire offense. Leur histoire fascine et hante ceux qui s’aventurent à pénétrer le passé. Et cette femme, si mystérieuse dans ses secrets enflamme davantage les esprits désireux de savoir enfin pourquoi, et surtout, comment.

« Je comprends. Vous me livrerez votre réponse à la fin de mon récit dans ce cas. Votre poignet je vous prie. »

Sa bouche s’approche dangereusement des veines palpitantes. Votre pouls s’accélère, votre souffle se coupe tandis qu’elle dépose ses lèvres pourpre sur votre peau qui frissonne à ce contact glacial. Ses yeux se ferment mais vous ne pouvez vous résoudre à clore les votre ; Cette scène vous en avez rêvé, vous l’avez désirée, vous l’avez imaginée des centaines de fois mais cela n’a rien de comparable à l’instant présent. Votre poignet se crispe sous ses canines. Elle prend son temps et de sa langue caresse langoureusement la chair transparente avant de, finalement, infliger sa morsure que vous sentez à peine.

Une fraction de seconde. La douleur prend vite des aspects d’orgasme languissant qui s’éparpille dans chaque cellule de votre corps tandis que la damnée aspire le pourpre vital. Vos yeux se ferment sous la vague de plaisir. Tête renversée en arrière, la minute qui défile tient plus de l’heure qui passe. Enfin elle se redresse, le rouge aux lèvres. Sa langue vient chercher la gouttelette au coin de sa bouche, et elle sourit enfin, satisfaite.

« Hmm…Vous goûtez l’audace et une pincée d’impatience! Mon mélange préféré. Dommage que je doive m’arrêter là » Elle semble déçue, mais continue quand même, « Bien. Maintenant ouvrez votre bouche, et tirez la langue ».

D’un geste vif, elle se saisit de l’infime longue aiguille qui se trouve au milieu des cigarettes blanches, dans l’étui en or, et la presse contre son index. Bientôt, une goutte vermeille naît sur la peau blanche ; On jurerait voir une perle ambrée, aux reflets fascinants. L’être de la nuit la pose sur votre langue et scelle d’un baiser vos lèvres désormais closes. « Avalez »

Ainsi vous faites. Presque immédiatement, une sensation de vertige fulgurante vous saisit. Elle parle, mais sa voix est comme étouffée par un voile de brouillard, le même qui doucement embrasse votre vision. « Ce que vous verrez, ce que vous ressentirez n’est pas réel, ne l’oubliez pas. N’espérez pas changer une destinée gravée dans le temps, personne n’y arrivera jamais. Vous êtes spectateur de ce que lui m’a transmis, de ce que j’ai perçu moi-même et de quelque bride de mémoire de l’ensemble des cinq. Pour revenir, il suffira de répéter mon nom. Maintenant, dites le, et vous vous en irez pour le temps qui vous siéra. »

Etrangement la dernière information pénètre distinctement dans votre esprit embrumé et votre voix résonne en un son rauque et lointain, répétant telle une litanie ce nom qu’est le sien : « Heaven… Hea...ven… »

23 septembre 2007

Chapitre 2: I've Got The Will To Drive Myself Sleepless

Les stores à moitié baissés laissaient pénétrer la faible lumière de l’aube. Un vent froid et humide s’immisçait dans la pièce plongée dans une pénombre grisâtre, faisant voler quelques mèches des cheveux de jais du jeune homme.

JaeJoong, partiellement adossé contre le montant de son lit, tira sur sa cigarette avant de balancer ce qui en restait, sans regret, par l’ouverte juste à côté qui servait de fenêtre. Il avait lui-même changé l’emplacement de son martelât pour se rapprocher de la vue imprenable qu’offrait sa chambre sur Seoul et, accessoirement, fumer sans pour autant rester confiné dans le brouillard fortement odorant qui n’aurait pas tardé à envahir l’apparemment.

Le reste de la bande dormait paisiblement depuis des heures, mais à en juger par la couleur du ciel qui se colorait peu à peu, étirant les ombres le long des murs jusqu’à en estomper certaines, Yunho ne tarderait pas à se lever. Changmin s’était, comme chaque soir, faufilé dans la cuisine pour sa collation de minuit puis celle de deux heures et quart. Il avait entendu Junsu aller boire peu après que les dernières notes du piano de Yoochun se soient tues, il y avait une deux heures et demie peut être.

Et lui. Lui c’était sa deuxième nuit blanche qu’il venait de passer à fumer des mentholées, boire du café dont la température diminuait au fil des heures jusqu’à en devenir imbuvable, et gribouiller sur une tonnes de feuilles qui finissaient presque toutes sur la moquette, en un amas de boules blanches difformes. Celles qui prenaient grâce à ses yeux, s’étalaient sous un cendrier qui débordait, un briquet en ivoire et un bol de bonbons à la fraise. JaeJoong saisit son paquet de cigarettes et constata qu’il ne restait qu’une seule tige blanche. Il la fourra entre ses lèvres avant de réduire l’emballage en un petit tas qu’il lança par la fenêtre.

La fumée blanchâtre s’éleva vers le plafond. Il la suivit du regard. Ses yeux las fixèrent le plâtre un moment puis ses sourcils se froncèrent légèrement. JaeJoong pencha la tête vers la gauche, scrutant l’anomalie qu’il venait de découvrir.

« -Depuis quand est ce que le plafond est gris ? »

Son visage se fendit d’un sourire moqueur avant de tirer une nouvelle taffe de sa cigarette qui se consumait entre ses doigts fins. Haussant les épaules, il reporta son attention sur le classeur ouvert, en un équilibre précaire, contre son genou replié : Les paroles des chansons qu’ils devaient enregistrées ce matin au studio. Il entreprit de les relire une dernière fois. Le jeune chanteur jeta un coup d’œil à la ville, tout en repassant les mots dans sa tête, vérifiant qu’il n’avait pas de blanc sur ses parties. Satisfait, il referma le dossier bleu et l’envoya s’échouer au bout du lit.

Quelle heure pouvait-il être ? S’il se fiait à la couleur du ciel, JaeJoong dirait qu’il n’était pas loin de six heures du matin. Sa montre était restée sur le réfrigérateur où il l’avait posée pour préparer le dîner, et son portable n’avait plus de batterie ; L’appareil, qui reposait sur sa table de nuit, avait émis un léger son avant que la lumière bleutée ne disparaisse aussi soudainement qu’elle était apparue, engloutie par le noir de la chambre, qui à ce moment encore, était total.

Il y avait une odeur de tabac dans l’air à cause de sa cigarette encore allumée à sa main, maintenue entre son index et son majeur. La cendre se déversait sur ses doigts mais il n’y fit pas attention.

De toute façon, il avait eu son lot de brûlure depuis qu’il avait commencé à fumer, deux semaines auparavant. Bien sûr, personne n’en savait rien. Ou du moins, on ne l’avait pas encore coincé. Il leur était formellement interdit de fumer ou de trop boire à cause de leurs cordes vocales, leurs poumons et dieu sait quoi d’autre qui pourrait se mettre à noircir, se décomposer ou cramer.

«- Un chanteur qui fume, un leader vocal qui plus est, est une personne inconsciente qui se suicide à petit feu ! Rien de plus, rien de moins !» Lança t il sur un ton solennel.

Enfin, ça c’était le speech de bienvenu de Lee SooMan le tout puissant. Ce que JaeJoong en pensait lui, eh bien c’était qu’une taffe de temps en temps n’avait jamais tué personne. Pas à ce qu’il sache en tout cas. Mais s’il y avait bien une chose dont le jeune chanteur était sûr, c’était que tôt ou tard, l’un des gars s’en douterait, et il y avait gros à parier, que ce serait Yunho.

« -Bah ! Après tout, j’en ai rien à foutre… » Conclut il en inhalant une nouvelle bouffée de sa clope avant de l’écraser dans le cendrier en verre au milieu de ses sœurs à moitié enterrées sous les cendres grises.

Se redressant, le jeune homme se mit à genoux sur son lit, remonta les stores complètement et passa la tête par la fenêtre. Ses mains posées à plat sur le petit muret qui l’empêchait de basculer dans le vide, Jae ferma les yeux, laissant le froid matinal caresser son visage. En temps normal il n’aurait pas pu faire ça ; Passer la tête par la fenêtre quoi, à cause des folles…

« -Ok ! C’est des fans pas des folles, ‘scusez »

Bien qu’ils soient au onzième étage du bâtiment, les fol… ahem : les fans avaient tendance à trop camper devant leur domicile, jumelles en mains dans l’espoir de les apercevoir. Mais personne n’était dans la rue à cette heure-ci. Du moins pas d’hystériques qui auraient réveillé le reste du quartier avec son « JAEJOONG OPPA !!! SARANGHAEYO !!!! » Ou une autre connerie à elle ; Elles avaient de la suite dans les idées, les fans. Et quelles sacrées idées ; La semaine dernière, l’une d’elle lui avait demandé, sans délicatesse d’ailleurs, de la…mmh…dépuceler. La mâchoire du pauvre coréen avait failli rejoindre le sol, même Yoochun et Junsu, qui d’habitude se fendaient la poire en charriant leur ainé, s’étaient transformés en statues quand elle avait gueulé sa…euh « demande », devant leur van, à la sortie d’une émission. Changmin était devenu rouge tomate, on aurait dit qu’il hyper ventilait et Yunho, aidé de leurs gardes du corps, avait dû tous les pousser pour entrer dans le véhicule. Au moins, cette fille pouvait se vanter d’une chose ; Ils ne l’oublieraient pas de si tôt, c’était clair et net.

Le chanteur jeta un coup d’œil dans la rue et ne vit que d’honnêtes travailleurs se pressant pour aller là où ils devaient aller ; Des gens comme il faut, qui partaient à leur travail comme il faut, pour nourrir leur famille comme il faut, parce que c’était comme ça qu’il faillait faire, pour être des gens biens, comme il faut.

« -Et moi ? Est-ce que je suis comme il faut ? » Demanda t il à l’un d’eux, en bas. Mais évidemment, il ne reçut pas de réponse. Après tout, il n’en demandait pas. Pas qu’il s’en fichait, mais il savait déjà à quoi s’en tenir quand il s’agissait de lui. Et ça, il le devait à quelqu’un dont le tact surpassait celui d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Ça aussi, ça l’avait tenu éveillé toute la nuit ; Cet épisode psychotique, à la Dr Jekyll et Mr Hyde, dans les toilettes d’SM avec ce type dans la surface lisse du miroir qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, les cheveux mis à part. Si tant est que « type » soit le mot. Bah de toute façon, y repenser ne servait pas à grand-chose maintenant. Un « mec », blond qui plus est, qui habite dans un miroir, lui avait fait la morale ! Ma foi, ce n’était pas la fin du monde. Il avait chialé comme un gosse, tremblé comme un raté et avait fini par se reprendre. Rien de bien méchant, il aurait même réussit à se faire avaler que c’était « la routine quoi ».

Belles conneries…

Bien évidemment ce n’était pas la fin du monde, mais quand même ! Bon sang de bonsoir ! – quelle expression à la con aussi- Il s’était vu en train de se parler par le biais d’une glace collée contre un mur dans des putains de toilettes publiques ! Et il osait se dire, d’un ton désinvolte par-dessus le marché, qu’après tout, ce n’était rien qu’une petite hallucination sympa qui lui avait remis les idées en place.

« -Tu parles d’une remise en question…Faudrait vraiment être bête pour y croire ! » Se lança t il en revenant à l’intérieur.

JaeJoong se rassit dans son lit dans sa position préférée - dos contre le bois, une jambe repliée vers lui – plaquant ses deux mains sur ses joues qui le picotaient légèrement dû au changement de température ; Froid/chaud.

Quelque chose roula à côté de lui, se heurtant à sa cuisse. Il baissa les yeux entres les draps pour y découvrir une petite boite cylindrique en plastique dont la couleur orangée contrastait avec la blancheur des longs cachets qu’elle contenait. Le jeune homme s’en saisit faisant s’entrechoquer les comprimés dans le container dans un bruit mat. Il les scruta un long moment sous son regard fixe, essayant de les compter sans devoir retirer le bouchon blanc, une tache que l’étiquette pharmaceutique rendait presque impossible. Le coréen secoua le flacon, reproduisant le même bruit qui ne l’agaçait pas le moins du monde. Il en compta six, mais n’en était pas sûr. Résigné, il les étala dans sa main avant de refaire ses calculs : Il n’y en avait plus que cinq, en réalité.

Il y en avait combien déjà, au début ? Une douzaine ? Peut être. Ce petit machin entre son pouce et son index ne pouvait pas avoir contenu plus que ça, voire une quinzaine de cachets, à tout casser. A raison de deux par jour, même trois des fois, il en conclut qu’il devait se réapprovisionner, et rapidement.

« -Faut que je l’appelle. »

JaeJoong passa par-dessus le fouillis étalé sur le côté droit du lit qu’il n’utilisait quasiment jamais - comme c’était le cas de Changmin qui dormait en diagonale ; Faut croire que même les lits à deux places ça lui suffit pas -, renversant à moitié le cendrier sur les feuilles déjà souillées d’encre noir. Il chercha un moment dans le tiroir de sa table de nuit mais ne trouvant visiblement pas ce qu’il voulait, alla voir sur son bureau et en tira un long câble noir et fin au bout duquel pendouillait une prise de courant. En gros c’était le chargeur de son téléphone, qu’il s’empressa de brancher. Le portable s’alluma une trentaine de secondes, affichant le dessin d’une batterie qui se remplissait et se vidait encore et encore dans la lumière bleue. Pressant le bouton vert, JaeJoong vit s’afficher l’écran principal avec une photo de lui en fond, évidemment. Son regard accrocha l’heure : 6h30 : Yunho devait s’être levé.

Et justement, confirmant cette pensée, on frappa à la porte. Le jeune homme s’immobilisa sur place, réfléchissant à toute vitesse. Ses yeux se posèrent sur le lit et il se saisit précipitamment du cendrier.

Et merde ! Je le planque où ? Sous le lit, dans un tiroir ? Non, il le sentirait…ah merde ! Merde ! Putain JaeJoong réfléchit !

« -Joong ? T’es levé ?c’est moi ! »

Comme si je le savais pas ! Pourquoi tu crois que je suis planté comme un con au milieu de ma chambre avec un cendrier qui pue entre les mains.

N’avait il pas dit haut et fort qu’il s’en foutait que Yunho le chope en flagrant délit? Alors pourquoi paniquait-il ainsi ? JaeJoong avait soudain la désagréable impression d’être un pauvre adolescent boutonneux à deux doigts de se faire pincer par sa mère, avec sa petite collection privée – dont il est si fier - de Hentai et de magazine porno en mains.

On frappa encore.
« -Jae ? »

Il avait beau regarder partout dans sa chambre, aucune cachette ne lui semblait assez sûre. C’est là que son visage s’illumina quand son regard croisa la fenêtre toujours ouverte, qui désormais laissait passer un soleil clair. Sans plus attendre, il sauta sur le martelât et fit passer sa main par l’ouverture, abandonnant « la preuve du crime » sur le petite muret, avant de refermer la vitre.

« -JaeJoong ? J’entends du bruit, ça va ? »

La poignée tourna, mais la porte ne céda pas, se heurtant au verrou. Yunho fronça les sourcils en fixant le pommeau ; Depuis quand JaeJoong fermait il sa porte à clef ?

« -JaeJoong réponds ! » S’énerva t il, essayant d’entrer une fois de plus, tournant le bouton de porte frénétiquement.

« -Euh ouais ! Deux minutes ! » Lança l’interpelé toujours debout au milieu de sa chambre à la recherche d’autre chose.

Putain où est passé cette saloperie de vaporisateur !

Il le trouva gisant sous son bureau. Deux secondes après, la pièce empestait dieu sait quel parfum.

Tant que ça pue pas la clope …

JaeJoong prit une pleine poignée de bonbon à la fraise et les fourra dans sa bouche, mâchant les sucreries avec empressement, tout en ébouriffant ses cheveux, essayant de se composer un visage à la « chui pas réveillé, qu’est ce tu m’ veux ? ». Après un dernier coup d’œil à la chambre, il débarra la porte.

« -mmh ? » Fit il, les yeux à demi clos en passant la tête par l’ouverture. « Yunho ? Qu’est ce qu’y a ? »

Et pour que le tout soit d’une précision et d’un réalisme digne d’un oscar, JaeJoong passa une main lasse dans sa coiffure matinale.

Le leader considéra son meilleur ami un long moment, visiblement soupçonneux. L’autre sentait que son cœur allait lâcher face à cette inspection muette. Il voyait déjà Yunho le pousser pour aller directement à la fenêtre et trouver le cendrier où les cadavres d’une boite et demie de cigarette lui ferait un beau sourire. Il lui balancerait alors ses quatre vérités en face pour ensuite provoquer une réunion général à la suite de laquelle l’ambiance du groupe s’effriterait petit à petit, jusqu’à ce qu’on décide de le virer pour ramener Kangta - dont la dernière chanson laissait à désirer d’ailleurs, mais bon, ce n’était pas le sujet- ou Taebin à sa place.

Mais le jeune homme se contenta de sourire et les traits de son visage se détendirent.

« -Va te doucher, ça te réveillera ! » Lança t il en posa une main sur l’épaule de JaeJoong qui respirait enfin.
« -Ouais…Je vais faire ça je crois » Rétorqua t il, remerciant son meilleur ami – et le ciel, intérieurement - d’un faible sourire avant de commencer à refermer la porte mais le leader la bloqua de son pied.

Une sueur froide coula le long de la colonne vertébrale de JaeJoong qui se demanda pendant une seconde s’il n’avait pas crié victoire trop vite. Son regard alla du pied de Yunho, qui l’empêchait toujours de se retirer dans son antre de péchés, à son visage qu’il fut surpris de revoir complètement fermé. Il déglutit difficilement, espérant que son meilleur ami ne le remarquerait pas.

« -Autre chose ? » Demanda t il à demie voix, avant de s’éclaircir la gorge bruyamment.
«- Depuis quand est ce que tu fermes ta porte à clef ? »

Sans détour, ou peut être juste un peu, Yunho venait de poser une question à laquelle l’androgyne n’avait pas de réponse assez convaincante. Et puis, devant le regard avec lequel le leader le fixait, il lui était impossible de réfléchir de manière cohérente. Ce regard : Intense. JaeJoong était sûr de ne jamais plus se l’ôter de l’esprit ; Un mélange d’incompréhension, d’incrédulité, de réprobation et puis, le pire de tous, l’inévitable lueur de déception miroitait au milieu de ces prunelles où il se voyait suer comme un condamné à mort prêt à s’asseoir sur la chaise.

Le coréen avait cessé de respirer pendant ce bref échange où le temps avait arrêté sa course sur eux, au-dessus de cette porte face à laquelle, en silence, toute une amitié se remettait en question en un simple regard. Un rien. Et JaeJoong qui faisait corps devant sa vie dans ces yeux chocolat et ses péchés dont les murs de sa chambre étaient les uniques témoins.

« -Euh, J-Je… »

Yunho baissa les yeux. Un sourire, que JaeJoong ne sut pas déchiffrer, étira ses lèvres.

« -Non laisse, après tout, tu fais comme tu veux. Va te doucher maintenant, t’en a vraiment besoin Joong ». Et ses pas s’évanouir dans le couloir.

Quand JaeJoong ressortit de la cabine en verre, la phrase de Yunho n’avait toujours pas trouvé d’explication qui puisse apaiser l’esprit du chanteur. Inlassablement, ce maudit leitmotiv résonnait en écho dans chaque recoin de sa tête, laissant pointer une migraine qui le collerait sûrement pour la journée.

T’en a vraiment besoin Joong…

« - Argh Yunho, toi et tes foutus sous entendu à la con ! » S’énerva JaeJoong en essuyant la buée sur la glace de la salle de bain. « Tsss, ça me réussit pas les insomnies… »Constata t il en passant une main sur ses joues, se regardant sous tous les profils.

Il se saisit du petit flacon orange qu’il avait pris soin de prendre avec lui, et en sortit deux comprimés blancs, d’une texture rêche, un peu comme de la vieille craie. Il les observa un moment avant de les gober d’une traite, sans même avoir besoin d’un verre d’eau. JaeJoong fit s’entrechoquer les trois autres qui restaient dans le container ; Oui, il fallait qu’il l’appelle d’urgence.

« -Et que je me prenne des somnifères à l’occasion, ça serait pas du luxe. »

23 septembre 2007

Chapitre 1: My Someone In The Dark

L’eau s’écoula du robinet en argent, dessinant un demi-cercle liquide qui finit dans le siphon. Ce trou qui vous happerait presque. Ses yeux fixent cet abyme ; C’est noir. C’est vide. C’est comme lui.

JaeJoong passa ses mains sous le jet d’eau froide, puis en inonda son visage. Une fois. Deux fois. Cinq fois. C’est un geste brusque, un geste violent, un geste rageur. Il en a besoin. La journée commençait mal. Non. Tout le mois n’était qu’un enchainement de journées pourries qui s’étendaient plus que de raison, le plongeant dans un état de dépression et d’angoisse caché. Même lui, ne s’en rendait pas complètement compte. Ensevelissant ses doutes sous des tonnes de vitamines et autres cachets en tous genres pour tenir et se dire que c’est normal. Alors il était là, dans les toilettes de la SM à se noyer sous un vulgaire robinet. Encore et encore. Sans effet. L’eau n’enlève pas ce qui ne laisse pas de marque. Ça apaise seulement…ça leurre seulement.

Relevant enfin la tête, son image se heurta à ses yeux et il grimaça. De grosses gouttelettes s’égouttaient de ses cheveux, de son menton, de son nez. Mais ce n’était pas ça qui le dérangeait. Ses yeux. Ces yeux qui s’enfonçaient de jour en jour dans ce visage dont la pâleur devenait cadavérique.
« - Et ces joues… »

Ces joues creusaient un peu plus son apparence, lui donnant un aspect de malade agonisant. Mais il n’était pas malade. Ou du moins, il ne le pensait pas. Le travail, ce n’était pas une maladie n’est ce pas ? Alors il n’avait rien à craindre.

Le travail. Tout le temps. Le travail. Les heures qui filent et eux qui n’avancent pas, et lui qui n’avance pas. Jour comme nuit. Le travail. Et on continue, et on refait et on recule. Le travail. Jusqu’à ne plus savoir ce qu’on fait.

S’il y avait une chose dont JaeJoong n’avait pas peur, c’était bien de s’adonner corps et âme à ce qu’il aimait. Et il aimait sa vie. Il aimait cette voie que sa destinée avait prise au prix d’efforts et de sacrifices douloureux. Il aimait la musique, il adorait chanter et ses fans lui procuraient un bonheur incommensurables. Oui, il pouvait dire qu’il avait une vie parfaite. Le dire oui, y croire aussi, quant à la réalité, elle clamait tout autre chose.

La perfection. Ce mot qu’on lui - et leur - attribuait souvent, que signifiait il réellement ?

Perfection : Etat de ce qui est parfait.

Qu’est ce que parfait voulait dire ?

Parfait : Qui a toutes les qualités et aucun défaut.

Qu’est ce qu’une qualité ? Qu’est ce qu’un défaut ?

Qualité : Ce qui fait la valeur de quelqu’un.
Défaut : Imperfection.

Qu’est ce que Kim JaeJoong dans tout ce charabia d’intellectuel : Rien.

Ni parfait, ni imparfait, ni une qualité, ni un défaut ; Il était un être humain qui vivait pour ses rêves. C’était un Homme comme les autres. Et comme un Homme comme les autres, il y avait des jours du calendrier qu’il aurait préféré sauter. Comme aujourd’hui. Comme quelques minutes auparavant.

Il passa une main sur son visage, fermant les yeux sous cette caresse sans douceur, espérant les rouvrir pour voir autre chose. Voir qu’il allait bien, comme il le ressentait, voir qu’il était bien et non parfait comme on lui répétait d’être. Juste se dire qu’il avait une bonne mine, de se traiter de sale gueule et que ça soit un bon mensonge pour continuer la journée.

JaeJoong ouvrit les yeux, rencontrant son double. Aucun changement.
« -Tu m’étonnes…ça empire. »

Il soupira. Bruyamment. Son reflet le contemplait, il fit de même .Ce mec lui souriait. JaeJoong secoua la tête. Qu’est ce qu’il se racontait encore ? C’était lui dans le miroir en face, ce n’était pas quelqu’un d’autre. Si l’autre souriait, cela voulait dire que lui aussi souriait…non ?

La panique se saisit de lui et sa main se plaqua brutalement sur le coin de sa bouche. JaeJoong se figea.
Non.
Le sourire de l’autre s’étira ; Mauvais, moqueur. Un rictus machiavélique. Un rictus qui ne lui ressemblait pas.

Il recula d’horreur, manquant de trébucher, se heurtant à la porte de la cabine des toilettes derrière lui. Ce contact froid à travers son t-shirt le réveilla soudain. Se précipitant, il entra dans la petite cabine et referma la porte, mettant le verrou. Le clic sec résonna en écho dans la pièce. La dernière chose que ses yeux avaient croisé était ce lui en train de se moquer, souriant encore, grimaçant toujours, se foutant de lui ouvertement. L’accusant ouvertement.

Inspirer. Expirer. Une fois. Deux fois. Lentement. Doucement. Son cœur s’affolait dans sa poitrine, sa gorge était sèche et il tremblait. Inspire. Expire…

« -Jae…Joong… »

Comme un sifflement malicieux sur une mélodie de comptine, son nom venait de briser le silence de sa respiration seule. Son nom, mais plus angoissant que cette avertissement faussement joyeux, la voix qui l’appelait comme on appellerait quelqu’un en sachant déjà où il se cache ; Cette voix… sa propre voix l’interpelait.

« -Jae...Joong…je sais que tu es…là dedans ! »

Sur ces derniers mots, la porte trembla sous la force d’un coup et d’un coup seul. Violent. JaeJoong dans sa prison sursauta, sentant son cœur lâcher.

« -oh ! Le vilain méchant petit garçon...ouvre moi… »

Cette voix, si sienne sans l’être, si semblable, si familière pourtant sonnait tout autre. Froide, perçante, glaciale, il en avait… Peur. Que se passait-il exactement? Cela n’avait aucun sens ! Cette voix, n’avait aucun sens. Cette…chose dans le miroir n’avait aucun sens. Cette peur n’avait aucun sens. Rien n’en avait. Rien. Rien. Absolument rien !

« -OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE ! »

Des coups furieux suivirent cet éclat qui résonna en écho jusqu’à l’âme de JaeJoong qui se couvrit les oreilles, désirant fuir ce bruit insoutenable et cette réalité soudain infernale.

« - va t’en, va t’en, va t’en… »

Une prière à peine chuchotée. JaeJoong assis désormais sur le siège rabattu des toilettes se balançait d’avant en arrière, ses deux jambes serrées devant lui, ses mains résolument claquées de chaque côté de sa tête, protégeant son être de ce qui se passait.

« -va t’EN, va T’EN, VA T’EN ! »

Et le silence se fit. Plus de coups, plus de cris. Silence…

D’un geste lent, JaeJoong écarta ses mains de ses oreilles et rouvrit les yeux, le corps toujours tremblant, baigné de sueur froide. Ses jambes menacèrent de se dérober sous lui quand il se releva, mais il tint bon. Fébrilement, ses doigts se posèrent sur le verrou gris…et il hésita.

Et si c’était…réel ?

Ses doigts s’écartèrent vivement comme brulés par le froid du métal. Repliés dans sa main à moitié fermée, il les fixa et soupira, mais l’air dans ses poumons resta bloqué. De son autre main, il saisit son poignet droit et força son geste avorté. Le déclic se répandit encore une fois dans la pièce, arrêtant le cœur du jeune homme pendant un millième de seconde. Sa respiration reprit alors, bien que saccadée. JaeJoong contempla le loquet désormais ouvert, les yeux vides. Ses bras retombèrent le long de son corps, lourds.

La porte grinça, s’entrebâillant de quelques centimètres. Le regard où se peignait encore la terreur de JaeJoong scanna l’endroit, inquiet. Il n’y avait rien. Respirant enfin il poussa l’accès et avança d’un pas hors de sa cachette, faisant résonner ses talons sur le carrelage.
Il ne daigna pas croiser son autre dans le miroir.

Se rapprochant des lavabos, il remarqua qu’il y en avait un d’ouvert. C’était lui qui l’avait laissé ainsi dans sa fuite. L’eau s’écoulait en un petit filet transparent. Il y passa un doigt, c’était agréablement froid. JaeJoong sentit son corps se détendre à ce contact apaisant. L’eau était définitivement son élément. Il ouvrit largement le robinet et le jet blanc tomba dans ses mains jointes. Il laissa le liquide glacé glisser entre ses doigts, ne le quittant pas des yeux.

« -On fait trempette ? Pitoyable JaeJoong… »

La main du coréen se crispa sous le robinet. Non ! Ça n’allait pas recommencer…

« -Allez petit garçon…regarde toi, regarde moi…regarde comme tu es laid ! Comme tu ne sers à rien ! Comme tu handicapes les autres ! Comme tu n’arriveras jamais à rien de bien ! REGARDE COMME TU N’ES RIEN ! REGARDE COMME TU ES PITOYABLE ! »

JaeJoong se vit trembler sous cette voix si cruellement sienne. Il ne se maitrisait plus. Plus rien de cet être de perfection qu’on se plaisait à voir en lui, qu’on lui avait appris à montrer en étant distant à l’attitude glaciale, plus rien de ce faussement naturel n’existait en cet instant d’effroi irréel. Sa tête se mut d’elle-même et son regard troublé croisa le sien.

« - Ah ! Voilà qui est mieux. Bonjour mon très cher double. »

Ce sourire, si suffisant, cette attitude, si hautaine et tout ce mépris…Tout ce mépris, dont ces yeux miroitaient sombrement. Ces yeux qui le perçaient profondément, l’immobilisant sur place. Gelé. JaeJoong était gelé.

« -JaeJoong…le Héro ! »

Il s’esclaffa dans sa prison de glace. Riant encore et encore. Un rire abominable. Un rire qui déchira le peu de courage qui restait en JaeJoong ; Une larme se dessina sur sa joue pâle, puis une autre, et une autre…

« - Oh mais tu pleure petit garçon pitoyable ! Tu es si fragile ! Si inutilement fragile…Comme cette jambe qui te fait toujours mal. On devrait peut être te l’amputer non ?! mmh oui c’est une bonne idée tu ne trouves pas JaeJoong ? Tu arrêterais de danser si gauchement et ils ne mettraient plus des heures à refaire les même petits pas, si simples, si ridiculement faciles, pour que le Héro suive le rythme. A douleur fantôme, jambe fantôme ! Ça ne te fera même pas mal…malheureusement. »

JaeJoong porta une main à sa jambe anciennement blessée, comme pour s’assurer de sa présence. Elle était encore là. Cette jambe qui l’empêchait encore de faire comme les autres. Stupide peur ! Stupide jambe ! Stupide…lui. Oui, lui, pas l’autre du miroir, mais bien lui. Il aurait dû faire plus attention, il aurait dû mieux la soigner. Lui et sa stupide envie de gloire, sa stupide peur d’être oublié, stupide connerie d’être effacé.

« -Tu as vu le désespoir sur la tronche de ce pauvre Yunho hein ?! Ce mec qui t’a toujours défendu, ce mec qui supporte tes gaffes, ce mec qui t’a engueulé, il n’y a même pas une heure. Ce mec qui en a marre de te voir foutre leurs carrières en l’air ! Toi le petit chouchou de SM, prétendu canon de la Corée du Sud. Toi qu’on qualifie de magnifique. Qu’est ce que tu es au fond, toi, qu’on prend pour une femme, et qu’on n’arrive pas tout à fait à voir comme un homme malgré ce que tu as entre les jambes ? Tu n’es pas un homme ! Tu n’es même pas une femme…qu’est ce que tu es JaeJoong ? Magnifique, c’est asexué comme adjectif non ? Qui dans le monde de notre beau et grand seigneur est asexué mmh ? Les microbes n’ont pas de sexe distinct non ? Tu es donc un microbe Kim JaeJoong. Un infecte petit microbe infime et tout le monde a un microscope pour te suivre où que tu sois, quoique tu fasses. Petit truc répugnant. Petit garçon minable qui pleure… »

Qui pleure…Oui. JaeJoong pleurait sans retenu devant ces mots pénétrants de vérité. Oui, c’était un monstre de foire, une chose hideuse, un microbe insignifiant qui répandait sa maladie au sein du groupe. Oui. Il n’était rien. Il était sans intérêt. Rien. Le néant.

« -JaeJoong… »

L’interpelé plaqua ses mains contre ses oreilles, secouant la tête de gauche à droite, d’un mouvement rapide et brutal, d’un mouvement incontrôlable.

« - TAIS-TOI ! LA FERME ! CA SUFFIT ! Ça suffit…ça suffit… »
« - Hey Joong ! »

La main qui se posa sur son épaule le fit sursauter violement. Ses yeux rencontrèrent un regard inquiet. Yunho. Son meilleur ami, son meilleur soutient. Il se jeta dans ses bras, recherchant sa protection, recherchant son réconfort, cherchant un endroit pour se cacher. Comme on le ferait en accourant près d’une mère ou – en l’occurrence – d’un père. Et il pleura, sans larmes cette fois ci. Accroché à ce père de substitution, il trembla, gémit, renifla, murmura des choses qu’il ne comprenait pas lui-même. Il mit son âme à nu, baissant toutes les barrières de l’apparence.

« -JaeJoong… »

Doucement, la voix du leader, ainsi que sa main caressante de réconfort sur son dos, le calmèrent. Mais il ne bougea pas pour autant. La tête enfouie dans le torse de Yunho, les yeux clos, l’enfant se refusait à quitter ce lieu empli de sécurité.

« -Viens, on doit y aller, les autres vont s’inquiéter. »

Les autres. Il y avait les autres. Les autres qui l’attendaient pour continuer. Et lui était là, retombant dans les méandres de l’affligeante gaminerie de l’enfance. Résolument, il s’écarta des bras rassurants et se dirigea vers le robinet encore ouvert. Il effaça les traces de ce moment de faiblesse et rencontrant son reflet se vit bien lui-même. Froid. Masque de glace et de comme il faut.

« -On y va. »

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