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The Quills
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24 septembre 2007

Chapitre II: Through The Paper And The Ink

Les ténèbres…encore…toujours…un réverbère…de retour aux ténèbres… encore… toujours…un autre réverbère…les ténèbres à nouveau ; voilà le paysage que la vitre embuée montrait au jeune homme qui au fur et à mesure que la voiture avançait lentement dans la ville, appréhendait ce qu’il allait trouver à son arrivée devant ce fameux 190 Queens Gate.

Puis le silence et les ténèbres laissèrent place à un endroit plus animé. De la lumière, enfin. Ce spectacle sortit Shaolan de ses angoisses pendant un moment. Il plissa les yeux et distingua plusieurs jeunes femmes qui riaient en compagnie d’hommes dont la plus part à première vue, étaient complètement saoul.

Toute cette agitation régnait devant un établissement qui était la principale source de lumière de la rue. Les vitres des deux étages étaient grandes ouvertes malgré le froid, et de part et d’autres s’élevaient des rires, des cris, des insultes, des chants…des gémissements.

Shaolan ouvrit de grands yeux devant ce spectacle de désolation et de débauche. Mais quelque chose dans cette foule d’un autre temps attira son attention, lui faisant oublier ses problèmes actuels et sans prévenir, il ouvrit la portière du fiacre.

- EH MAIS V’Z’ETES PAS BIEN ! Cria le cochet en tirant sur les rênes. La voiture s’ébranla et s’arrêta.

Shaolan ne répondit rien, se dirigeant prestement vers l’établissement outrageusement illuminé et se posta devant les portes largement ouvertes. Ses yeux ambrés où la lumière de l’entrée se reflétait se posèrent sur l’enseigne. Une grande pancarte en bois, fraîchement repeinte d’un vert bouteille, où le nom de l’établissement avait été peint d’un blanc immaculé.

- Mais c’est…
- Bienvenu au Feathers Bed mon mignon ! L’interrompit une voix.

Baissant son regard vers la personne qui venait de le sortir de sa stupeur, Shaolan croisa deux émeraudes pétillantes de malice. Un visage angélique dont la fine bouche rosâtre s’étirait en un sourire enjôleur. Une jeune femme à peine plus jeune que lui, était adossée à l’embrasure de la porte et le fixait de son regard de jade.

- Nous ne lisons pas la même chose dans ce cas. Répondit-il après un moment.
- Ah oui ? Et que lisez vous donc Monsieur ? Demanda la jeune femme d’une voix suave qui le fit frissonner.
- Feather’s soul.
- Vous êtes donc nouveau à Whitechapel. Assura t elle, amusée.
- Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
- Personne ici n’a d’âme…chérubin !

Sur ces mots, elle partie dans un rire sans joie, et pénétra dans le bâtiment. Shaolan la suivit. A peine entré, la fumée qui flottait dans l’air lui piqua les yeux. Le gris pâle des nuages de fumée s’élevant des quatre coins de la pièce contrastait avec la couleur jaune orangée de la lumière qui émanait des bougies dispersées ici et là sur les tables bien occupées.

Il resta un moment immobile, observant aux alentours à la recherche de la chevelure miel qu’il retrouva rapidement. Sans attendre, il se faufila entre les tables où les clients buvaient en parlant bruyamment, écoutant à peine le piano mal accordé qui jouait dans un coin.

Elle lui adressa un sourire et se dirigea vers une porte qu’elle ouvrit et disparut. Plus curieux que jamais Shaolan ouvrit la porte à son tour et se retrouva dans une ruelle sombre, aucune trace de la jeune femme. Déçu, il avança dans la pénombre, se dirigeant vers la sortie de la venelle où la lumière de l’établissement se faisait voir, mais une main saisit la sienne, le ramena vers les ténèbres.

Des lèvres chaudes se plaquèrent contre les siennes tandis qu’un corps se pressait contre le sien. Il répondit instinctivement au baiser, posant une main sur la frêle nuque de la jeune femme, intensifiant l’échange.

Brusquement, le corps aux courbes généreuses se dégage de celui enflammé de Shaolan qui émit un grognement de mécontentement. Le rire cristallin de la jeune femme se fit entendre.

- Qui êtes vous ? Demanda t il, le souffle court.
- Celle que vous voulez…

Provocante elle lui vola un baiser mais ne lui laissa pas le temps de satisfaire son désir.

- Qui est êtes vous ?
- Les prénoms n’ont point d’importance monsieur.
- Shaolan. Lança t il
- Pardon ? Demanda t elle étonnée.
- Je me nomme Shaolan.
- Ah ! Et bien bienvenu à Whitechapel…Shaolan. Dit elle en souriant.
- Votre prénom de grâce. S’exclama t il, suppliant presque.
- Je n’en ai point…plus depuis des années.

Le regard de la jeune femme, à la faible lueur de l’entrée de la ruelle, se voila. Elle perdit son sourire joyeux, et une expression de profonde tristesse et d’amertume se saisit de ses traits fins.

Le jeune homme le remarqua aussitôt et se sentit mal à l’aise. Il n’était pas doué pour rassurer les femmes et chercha se qu’il pourrait dire afin de changer de sujet.

- Puis je savoir ce qu’une jeune femme fait toute seule en pleine nuit dans un endroit aussi…malfamé ?
- Elle travaille ! Vous pensez sincèrement que j’aurais le droit de sortir me promener dans un quartier comme celui-ci si j’avais une quelconque famille à laquelle me rattacher ?
- Je…
- Vous n’êtes vraiment pas du coin vous ! De toute façon vos habits le montre clairement ! un homme du monde ! Vous n’avez rien à faire ici. Cracha t elle avec haine.

Shaolan la regarda s’en aller, bouche bée, surpris par ce changement de situation. Lentement son regarda dériva vers ses habits et il se rendit compte que son jean et son pull avaient laissé place à un élégant smoking noir sur une chemise blanche. En inspectant ses manches il découvrit que sur celles-ci, luisaient de magnifique bouton de manchette, apparemment en or.

Son étonnement n’était pas dû à la richesse de ses vêtements, mais plutôt au fait qu’il soit aussi fortuné, même dans le passé. Le nom « Li » était il synonyme de richesse absolu même dans les méandres du temps ? En tout cas, il n’allait pas s’en plaindre ; il aurait pu être un de ses misérables qui hantaient le Feather’s soul avec pour seul compagnie, une chope de bière de mauvaise qualité.

Reprenant ses esprits, le jeune homme constata qu’il était seul dans la ruelle. Sans attendre plus, il se dirigea vers la rue toujours animée et entreprit de se trouver un fiacre.

- Tu viens mon mignon ! je vais te faire jouir comme jamais ! Lui susurra une voix suraiguë.

Et comme pour prouver ses dires la jeune femme rousse qui venait de l’accoster posa une main insolente sur son entre jambe, le faisant sursauter.
Il se dégagea rapidement de la péripatéticienne aux cheveux de feu, sous les insultes de celle-ci, et s’engagea de l’autre côté de la rue.

Décidément ce quartier n’était vraiment pas un endroit pour lui. Soupirant, il posa son regard autour de lui mais ne vit aucune voiture. Puis quelque chose attira son attention, ou plutôt quelqu’un. Elle était là. De l’autre côté de la rue entrain de racoler un homme dont l’esprit avait déjà été emporté par les vapeurs de l’alcool.

Ce triste spectacle eut pour effet d’enrager le jeune homme qui serra les poings. Immédiatement, il traversa et alla se placer entre la jeune femme et son futur client.

- Venez ! Ordonna t il en saisissant le délicat poignet.
- Eh ! lâchez moi espèce de brute !

Il la tira de force plus loin, sous les insultes de l’homme qui tomba par terre, endormie. La jeune femme se débattait telle une diablesse et avait essayé de mordre Shaolan mais il avait évité la morsure de la belle en mettant sa main derrière son dos.

- Que m’voulez vous ?! Cria t elle.

Pour tout réponse, il s’arrêta, et de sa main libre fit un signe à un fiacre qui passait. Le marche pieds tomba dans un bruit métallique, stoppant les incultes et les cris de la jeune femme, qui, poussée par le jeune homme, monta en premier dans la voiture tapissé de cuire.

- Où c’est que je vous mène m’sieur ?
- 190 Queens Gate.

La voiture avança, sous les claquements des sabots des deux chevaux noirs qui la tirait, tandis qu’à l’arrière, les deux passagers s’affrontaient du regard.

- Que voulez vous de moi ?

Le jeune homme tourna lentement son regard ambré vers la jeune femme assise devant lui ; les bras croisés sur sa poitrine, outrageusement couverte par un bustier d’une vague couleur jaune, elle signifiait clairement par ce geste allié à un regard froid, sa colère et son irritation.

- Je ne sais pas. Dit il simplement en haussant les épaules, retournant à la contemplation du paysage où le jeu, lumière/obscurité avait repris ses droits.

Elle émit un grognement significatif, s’enfonçant un peu plus dans le siège de cuir noir en jetant un regard tout aussi noir au jeune homme en face d’elle, qui semblait songeur. Elle eut tout loisir de le détailler ; il avait de l’élégance et du charisme, mais quelque chose en lui sonnait faux. Elle ne réussit pas à se l’expliquer mais l’impression dérangeante que la présence de cet étrange inconnu dans cette ville était irréelle, ne la quittait pas, depuis le moment où elle l’avait vu devant les portes du Feather’s Soul, quelques minutes auparavant.

Sentant le regard de la jeune femme posé sur lui, Shaolan se retourna vers elle. Il ne souriait pas mais ne semblait pas en colère non plus. Il la considéra silencieusement puis d’une voix quelque peu hésitante qui fit sourire la jeune fille de joie pendant un court instant, il lui reposa la même question qui lui brûlait les lèvres.

- Quel est votre prénom ?

Elle fronça les sourcils devant l’entêtement de l’étranger mais néanmoins lui adressa un faible sourire.

- Vous êtes obstinez dans votre genre !

Il rit nerveusement.

- On me le dit souvent. Répondez…s’il vous plait.
- Pourquoi tenez vous tant le savoir ? Ce n’est jamais qu’un prénom ! s’emporta t elle.
- Je vous ai bien dis le mien
- Je ne vous ai rien demandé !
- C’est vrai…

Baissant la tête, il se retourna vers la vitre et ne dit plus rien. Elle fut surprise de le voir abandonner si vite et soupira, agacée.
Au même moment la voiture s’arrêta dans un mouvement brusque mais maîtrisé.

- V’z’êtes arrivé ! S’exclama le cochet en faisant tomber le marchepied dans le même bruit métallique.

Shaolan ouvrit la porte et descendit en premier, le cœur battant, il resta planté devant la portière, abasourdit. Pas que le luxe du manoir qui se dressait fièrement devant lui l’impressionnait, c’était surtout le fait qu’il avait déjà été dans cet endroit, et il y avait de cela exactement un mois.
C’était à Londres de nos jours, et l’hôtel « Gore » était le cinq étoiles que sa secrétaire avait choisi pour une réservation. Et il se tenait exactement devant la même bâtisse, certes un peu plus ancienne, et les nouveautés du vingt et unième siècle n’y avaient pas encore été ajoutées mais le jeune homme le reconnut immédiatement.

- Auriez vous l’obligeance de me laisser sortir ? Ou préférez vous que je reparte peut être ? Lança une voix irritée derrière lui.

Emergeant, le jeune chinois s’écarta un peu pour laisser la jeune femme descendre. Elle lui lança un regard de travers et posa ses yeux sur le manoir ; sa réaction ne se fit pas attendre, sa bouche s’entrouvrit légèrement accompagné d’un regard admiratif.

Le jeune homme tendit deux piécettes au cochet qui le remercia d’un hochement de tête avant de s’en aller dans la rue où la brume l’englouti, seul le bruit des fers contre les pavés de pierre hanta l’endroit pendant un moment puis le silence revint.

- Vous venez ?

Pour toute réponse la jeune femme hocha la tête presque timidement et le suivit. Ils montèrent quelques marches et au moment où Shaolan allait tirer la chênette la porte s’ouvrit.

- Bon retour Monsieur. S’exclama une vieille femme en s’inclinant quelque peu.

Le jeune homme la reconnut immédiatement ; c’était elle qui lui avait donné ce fichu bouquin qui l’avait conduit dans ce monde dont il ne savait rien, où peut être la puanteur du quartier d’où il revenait. La vieille femme lui sourit amusé devant son air perdu, mais il se décida à entrer, suivit de près par son invitée qui ne se sentait pas vraiment à sa place dans cet endroit trop luxueux pour elle.

Ils suivirent la vieille domestique jusqu’à ce qui semblait être le salon. Un feu aux flammes rougeoyantes ronflait paresseusement dans le foyer d’une cheminée en marbre blanc. Autour étaient disposés trois fauteuils revêtus de velours rouge, le plus large prenant place au milieu. Un tapis de la même couleur aux bords argentés cachait une partie du parquet d’un marron clair visiblement bien ciré.

La domestique dans son habit blanc et noir s’inclina une dernière fois et disparut dans un couloir, laissant le maître des mieux et son invitée dans un mal aise palpable.

Shaolan retira son long manteau noir, le déposant sur le dossier d’un des fauteuils et s’affala sans ménagement sur l’un d’eux, épuisé. Trop d’émotion en trop peu de temps. Il ferma les yeux en lâchant un long soupire.

- Prenez un siège, ne restez pas comme cela à me regarder. Dit il, toujours paupières clauses.

Elle sursauta sortant de sa contemplation muette du jeune homme qu’elle trouvait décidemment de plus en plus étrange. Elle s’assit à l’autre bout du fauteuil, et fixa les flammes d’un air absent, jetant néanmoins quelque regards vers son hôte qui gardait toujours les yeux fermés. Les souvenirs de leur baiser dans la ruelle lui revint en mémoire et instinctivement, elle porta sa main droite à sa bouche, caressant ses lèvres un instant. Se reprochant mentalement cette attitude enfantine, la jeune femme reposa sa main sur sa cuisse.

- Pourquoi m’avez-vous emmenée ici ? Demanda t elle calmement.
- Je crois vous avoir déjà répondu sur ce point.
- On n’emmène pas une catin chez soi pour rien ! S’exclama t elle en levant quelque peu la voix.

Au mot « catin » il avait sentit une colère sourde monter en lui. Il ouvrit les yeux brusquement et l’obligea à le regarder en l’attirant violement à lui. La jeune femme fut surprise de changement de situation mais se repris bien vite, le défiant de ses émeraudes.

- Ne redites jamais cela. Siffla t il en encrant son regard ambré dans le sien.
- Redire quoi ? que je suis une catin ? une péripatéticienne ? une entraîneuse ? une fille de joie ? des rues ? ou alors préférez vous les mots gueuse, racoleuse, tapineuse ?

S’en fut trop, sur cette dernière insulte le jeune homme posa violement ses lèvres sur celles de la jeune femme la faisant basculer sur le canapé de velours. Elle entrouvrit immédiatement sa bouche et Shaolan ne se fit pas prier avant d’y glisser sa langue qui chercha celle de sa compagne avec passion. Emporté par la fièvre du désir, le jeune homme s’enhardis et déposa une main sur les seins blancs presque nus de la jeune femme. Il descendit ses baisers dans le coup tout aussi blanc de sa compagne, prenant un malin plaisir à suçotant la peau nacrée la faisant gémir.

Il s’arrêta aussi soudainement qu’il avait commencé, s’écartant un instant du corps brûlant de la courtisane et chercha ses yeux où la flamme du désir brillait clairement. Elle le regarda un instant, perdue puis se redressa complètement, l’obligeant à reculer.

- A quoi diable jouez vous ? Faites le qu’on en finisse ! C’est mon métier, et si ce n’est pas vous et bien cela sera un autre ! Les hommes en manquent de tendresse ne sont pas rares. Ne me faites pas perdre mon temps je ne suis pas riche moi. Dit elle en se levant.
- Vous n’irez nulle part. Assura t il en la tirant par le poignet, l’obligeant à se rasseoir. Si c’est une question d’argent je vous paierai mais vous ne sortirez pas tant que vous n’aurez pas consentie à me dévoiler votre prénom.

Il s’entendait dire tous ses mots, il s’était senti embrasser la beauté qui l’accompagnait sans s’en rendre compte. Ce n’était pas entièrement lui qui agissait. C’était comme si il y avait deux personnages dans le même corps, lui pensait, l’autre agissait. Et cet autre aussi ressentait. Ce n’était pas vraiment bien clair comme sentiments, mais cette jeune femme le fascinait assurément. L’idée que d’autres mains se soient posées sur cette poitrine si parfaites ou aient osé faire pire lui était insupportable, c’est pourquoi il ne voulait pas qu’elle lui rappelle cet affreuseté qu’elle osait appeler « métier »…c’est pourquoi il voulait savoir son prénom.

Elle le considéra un instant en silence, ferma les yeux, sentant les larmes d’un passé oublié remonter à la surface et respirant profondément elle posa son regard maintenant triste sur Shaolan.

- Très bien. Dit elle d’une voix qu’elle voulait maîtrisée. On m’a jadis donné le nom d’une fleur dans la langue de mes ancêtres, une fleur de cerisier, je me nomme…
- Sakura. Finit il.

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