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The Quills
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The Quills
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23 septembre 2007

Chapitre I

La nuit se reposait oisivement sur Londres endormie. De sa voix pâle et rauque elle soupira, lasse d’ennui. La lune ne brillait pas de son éclat joyeux, laissant le ciel à la libre envie des nuages qui lourdement flottaient sur le noir firmament, obscurcissant davantage son humeur.

« Je me sens l’âme vide » Ainsi s’exclama le soir dans sa déprime insistante.
« Je ne te savais pas une âme » lui répondit-on.

La flammèche de la bougie qui se mourrait lentement dans son socle, au sommet du réverbère de la rue déserte oscilla faiblement, jetant sa lumière blafarde sur un visage d’une pâleur fantomatique. Ses paupières étaient closes, savourant sans doute de mystérieuses pensées qui étiraient ses lèvres outrageusement rouges en un sourire narquois.

« Que fais tu ici mon ami, le « Quills » auraient il prit congé de son plus fidèle client ? » Se moqua l’autre, faisant résonner ses talons sur les dalles froides de la ruelle. Ses yeux d’un noir profond miroitaient de toute la moquerie dont sa phrase était peinte tandis que sa bouche s’étirait discrètement dévoilant tout l’amusement que son interlocuteur lui procurait.
« Il me semble, mon ami, que cela ne te regarde en rien » Répliqua l’autre, ne daignant pas lui accorder un regard. « Toi, par contre, je devine que Margareth ne te refuse plus son lit, je puis sentir son parfum sur chaque parcelle de ton corps. Tu empestes l’amour, c’en est suffoquant. »
« Vraiment ? » S’enquit l’individu, amusé. Puis, portant une main à son nez, il huma délicatement le revers de la manche du costume noir.
« Oui, vraiment. »

Sans une réplique de plus, il lui tourna le dos, s’estompant en silence en fur et à mesure qu’il s’enfonçait plus profondément dans les méandres de la ville.

Londres et ses nuits brumeuses finissaient toujours par le mener là où il s’assurait pourtant de ne plus jamais échouer. Mais voilà. Cette nuit aussi n’était visiblement pas encline à le laisser échapper. La porte s’ouvrit avec un grincement lugubre, comme si l’endroit se riait de sa victoire sur le fier personnage. La lumière lui fit mal aux yeux pendant un instant puis la senteur délicatement piquante de l’opium l’enveloppa, entrainant son corps, faute d’âme, à pénétrer dans le lieu de perdition où l’inconscient prend possession du corps pour en faire son œuvre.

Un cirrus bleuté flottait voluptueusement sur la salle aux murs voilés de tentures de satin noirs et rouges. Au fond on pouvait distinctement apercevoir, même sans le vouloir, un dragon pourpre dont la tête était dirigée vers le bas, signe de déshonneur, signe de péché. Ses yeux fixent semble défier l’imprudente âme qui ose s’avancer en ce lieu. Les mêmes âmes dont les corps à premier abord sans vie, échoués de par et d’autres de la salle principale. Le « Quills » son havre de paix.

A cette pensées les lèvres du jeune homme s’éprirent d’un sourire désabusé ; havre de paix…que cela sonne faux et imperceptiblement vrai…

Sans attendre qu’on s’occupe de sa personne, il se perdit dans un dédale de couloirs pour promptement échouer devant la toute dernière salle. Son salon privé. Il n’était pas vraiment privé mais quand lui était là, l’endroit le devenait assurément ne tolérant l’accès qu’à nul autre que la maîtresse de maison et quatre autres privilégiés.

Las, il se laissa tomber sur la méridienne au cousin moelleux et ayant clos ses paupières, il tendit une main dans le vide où bien vite on y déposa une pipe au parfum âcre. Portant l’objet à ses lèvres il aspira, s’abandonnant entièrement aux effluves de la drogue.

Mais plus que le plaisir éphémère de l’illusion psychédélique pâlissante d’un bien être plus frustrant que libérant, l’absinthe était définitivement son amie la plus fidèle. Celle qui seule le comprenait, qui seule l’emprisonnait loin du poids de la mémoire, du poids de la mort et du toujours. Il ne connaissait de la vie que la nuit, et aurait tout donné pour ne serait ce qu’un infime aperçu de la magnificence d’une aube éclatante de vie.

Le tintement de la petite cuillère en fer sur le rebord du verre en cristal suffit à lui faire ouvrir les yeux. D’un geste de sa part, la vieille chinoise se retira laissant la bouteille, le paquet d’allumettes et le sucrier en porcelaine à sa disposition. Se redressant, le jeune homme en fin buveur qu’il était assurément, déposa délicatement un morceau de sucre sur la cuillère et craqua une allumette dont la flamme dansa devant ses yeux vides, avant d’aller brûler jusqu’à le fondre, le morceau blanc dans une soudaine flamme bleuté. Le liquide sucré s’égoutta rapidement dans le verre, allant rejoindre la liqueur amère. Finalement, il laissa tomber l’ustensile dans le cristal puis remua le tout.

Tout un rituel pour tout un plaisir. Prenant le temps de savourer l’eau verte, qu’il aurait volontiers qualifiée de sacrée, il offrit le verre à son odorat avant de la faire goûter à son palais. Tous ses sens étaient en éveille. Il se sentait presque…en vie.

« Je vois que ta chère et tendre se consume sur tes lèvres. Dérangerai-je ? » Résonna une voix au timbre profondément chaud.
« Pourquoi dispenser de ta salive a demandé des choses que tu sais déjà… Michaël» Lui répondit le buveur.

Il leva les yeux vers ce qu’on pouvait appeler son ami. Du moins, dans une certaine mesure.

« Vrai, vrai. Tu me pardonneras de ne pas te joindre, rien ne me fait plus horreur que cette verte dont tu ne semble plus pouvoir te séparer. Sans te vouloir offense Jae, tes goûts, mon ami, sont empreints d’une monotonie lassante ces dernières décennies. » Commenta le jeune homme, prenant place dans un fauteuil aux mêmes tons que l’endroit: Rouge et Noir, comme l’un des plus grands romans du siècle lumineux, et à l’image de leur monde à eux. Noir et rouge, les seuls couleurs d’un arc-en-ciel sombrement sanglant.

« Tu trouves ? Il faut croire que même le plus parfait des êtres a droit à ses moments de médiocrité. »
« Je ne nous vois point comme étant des êtres parfaits. Bien au contraire, la perfection est bien la dernière chose dont nous pouvons nous flatter»
« Maxwell, toujours aussi aimable envers tes semblables. » S’amusa Michaël observant le nouvel arrivant prendre place au côté de Jae qui se délectait littéralement de sa liqueur, ayant visiblement oublié l’opium dont l’odeur se diffusait dans la pièce.
« Max suffira, Micky » Grinça le plus jeune des trois.
« Ta manie des raccourcis n’est pas une chose que j’apprécie, alors cela restera Maxwell puisque Maxwell tu te nomme » Rétorqua l’autre, toujours aussi ravi de voir Max se mettre en colère pour si peu.
« Que tu peux être agaçant quand tu t’y mets… »
« Bien le bonsoir messieurs, c’est avec plaisir que je constate que nous sommes tous si unis » Vibra d’ironie une voix fluette.

Réduisant de quelques enjambés la distance entre lui et la table basse sur laquelle reposait le cristal désormais vide de toute goutte de la bleue, il tendit la main vers la pipe d’opium, n’ayant visiblement pas la patience du rituel de l’absinthe. Aspirant une longue bouffée, il reposa l’objet sur la table fronçant légèrement les sourcils.

« Humm quel délice. Comme a ton habitude, tu délaisse un si doux nuage de saveur pour cette chose affreusement amère. J’aurais beau y déversé tout le sucrier, cela resterait toujours aussi intolérablement âpre »
« Ta délicatesse se manifeste jusqu’à tes papilles Xiah » S’exclama une voix à l’embrasure de la porte.

Jae roula des yeux. « Je vois que nous sommes tous là. Merci de nous rejoindre enfin U Know»
« Tu devrais te décider à changer de nom ! » Soupira Max visiblement ennuyé.
« Mon cher Maxwell, tu ne sais pas l’effet que ce nom provoque chez les demoiselles d’ici bas. Alors cesse ta litanie cela devient lassant » Sourit le jeune homme. « Quant à toi ! » Poursuivit-il en accusant Jae du doigt. « Ne croit point que je te pardonne si facilement de m’avoir pour ainsi dire abandonner dans cette sombre ruelle. »
« Me laisserais tu entendre que tu as pris peur ! Pauvre chose sans défense que tu es… » Grimaça Jae en enflammant un autre morceau de sucre.
U Know sembla réfléchir pendant un instant. « Non. Par contre j’ai eu tout loisir de croiser une de nos vieilles connaissance : Roslow est en ville mes amis.» annonça t il d’un ton faussement enjoué.

Les mines s’assombrirent à l’entente du nom qu’ils avaient cru plongé dans l’oublie pour quelques temps.

« T’aurait il vu ? » Question Xiah

Son ami lui adressa un regard signifiant clairement le fond de sa pensée.

« Tu m’excuseras, mais après une telle annonce, c’est la première chose qui me soit venue à l’esprit»
« Nous en avions bien besoin ! » S’écria Max une fois l’information assimilée. « Cet homme est décidément pire que la peste noire»
« Grand bien lui fasse. » Lança Micky. « Il parait que les journées sont particulièrement ensoleillées à cette époque de l’année. »

Les autres le regardèrent comme s’il avait définitivement perdu l’esprit. Jae prit une gorgée de son éternelle eau émeraude. Ainsi donc il était à Londres, il arrivait définitivement plus tôt qu’escompté.

« Croyez vous qu’il nous sait ici ? » Interrogea Max interrompant les méditations de chacun.
« Le personnage est certes doté d’une certaine intelligence supérieur à la moyenne mais de là à penser qu’il ait suivit notre trace jusqu’ici, il me semble que ce serait lui donner une valeur qu’il n’a certainement pas » Répondit Micky, renversant sa tête sur le dossier du fauteuil.
« N’oublie pas qu’il a approché son but la dernière fois. » Jugea bon de rappeler U Know, se faisant fusiller du regard par Xiah.

Le silence se posa sur eux encore une fois se mêlant à une soudaine tension presque palpable.

« Faites profil bas, comme toujours.» Déclara Jae. Et Xiah, j’espère pour toi que le léger l’incident de Paris ne surviendra plus. » Finit il en jetant un regard entendu au jeune homme qui perdit définitivement son sourire.
« Non, bien sûr que non… » Marmonna t il en baissant les yeux vers le sol.
« Bien. »

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