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The Quills
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23 septembre 2007

Chapitre 1: My Someone In The Dark

L’eau s’écoula du robinet en argent, dessinant un demi-cercle liquide qui finit dans le siphon. Ce trou qui vous happerait presque. Ses yeux fixent cet abyme ; C’est noir. C’est vide. C’est comme lui.

JaeJoong passa ses mains sous le jet d’eau froide, puis en inonda son visage. Une fois. Deux fois. Cinq fois. C’est un geste brusque, un geste violent, un geste rageur. Il en a besoin. La journée commençait mal. Non. Tout le mois n’était qu’un enchainement de journées pourries qui s’étendaient plus que de raison, le plongeant dans un état de dépression et d’angoisse caché. Même lui, ne s’en rendait pas complètement compte. Ensevelissant ses doutes sous des tonnes de vitamines et autres cachets en tous genres pour tenir et se dire que c’est normal. Alors il était là, dans les toilettes de la SM à se noyer sous un vulgaire robinet. Encore et encore. Sans effet. L’eau n’enlève pas ce qui ne laisse pas de marque. Ça apaise seulement…ça leurre seulement.

Relevant enfin la tête, son image se heurta à ses yeux et il grimaça. De grosses gouttelettes s’égouttaient de ses cheveux, de son menton, de son nez. Mais ce n’était pas ça qui le dérangeait. Ses yeux. Ces yeux qui s’enfonçaient de jour en jour dans ce visage dont la pâleur devenait cadavérique.
« - Et ces joues… »

Ces joues creusaient un peu plus son apparence, lui donnant un aspect de malade agonisant. Mais il n’était pas malade. Ou du moins, il ne le pensait pas. Le travail, ce n’était pas une maladie n’est ce pas ? Alors il n’avait rien à craindre.

Le travail. Tout le temps. Le travail. Les heures qui filent et eux qui n’avancent pas, et lui qui n’avance pas. Jour comme nuit. Le travail. Et on continue, et on refait et on recule. Le travail. Jusqu’à ne plus savoir ce qu’on fait.

S’il y avait une chose dont JaeJoong n’avait pas peur, c’était bien de s’adonner corps et âme à ce qu’il aimait. Et il aimait sa vie. Il aimait cette voie que sa destinée avait prise au prix d’efforts et de sacrifices douloureux. Il aimait la musique, il adorait chanter et ses fans lui procuraient un bonheur incommensurables. Oui, il pouvait dire qu’il avait une vie parfaite. Le dire oui, y croire aussi, quant à la réalité, elle clamait tout autre chose.

La perfection. Ce mot qu’on lui - et leur - attribuait souvent, que signifiait il réellement ?

Perfection : Etat de ce qui est parfait.

Qu’est ce que parfait voulait dire ?

Parfait : Qui a toutes les qualités et aucun défaut.

Qu’est ce qu’une qualité ? Qu’est ce qu’un défaut ?

Qualité : Ce qui fait la valeur de quelqu’un.
Défaut : Imperfection.

Qu’est ce que Kim JaeJoong dans tout ce charabia d’intellectuel : Rien.

Ni parfait, ni imparfait, ni une qualité, ni un défaut ; Il était un être humain qui vivait pour ses rêves. C’était un Homme comme les autres. Et comme un Homme comme les autres, il y avait des jours du calendrier qu’il aurait préféré sauter. Comme aujourd’hui. Comme quelques minutes auparavant.

Il passa une main sur son visage, fermant les yeux sous cette caresse sans douceur, espérant les rouvrir pour voir autre chose. Voir qu’il allait bien, comme il le ressentait, voir qu’il était bien et non parfait comme on lui répétait d’être. Juste se dire qu’il avait une bonne mine, de se traiter de sale gueule et que ça soit un bon mensonge pour continuer la journée.

JaeJoong ouvrit les yeux, rencontrant son double. Aucun changement.
« -Tu m’étonnes…ça empire. »

Il soupira. Bruyamment. Son reflet le contemplait, il fit de même .Ce mec lui souriait. JaeJoong secoua la tête. Qu’est ce qu’il se racontait encore ? C’était lui dans le miroir en face, ce n’était pas quelqu’un d’autre. Si l’autre souriait, cela voulait dire que lui aussi souriait…non ?

La panique se saisit de lui et sa main se plaqua brutalement sur le coin de sa bouche. JaeJoong se figea.
Non.
Le sourire de l’autre s’étira ; Mauvais, moqueur. Un rictus machiavélique. Un rictus qui ne lui ressemblait pas.

Il recula d’horreur, manquant de trébucher, se heurtant à la porte de la cabine des toilettes derrière lui. Ce contact froid à travers son t-shirt le réveilla soudain. Se précipitant, il entra dans la petite cabine et referma la porte, mettant le verrou. Le clic sec résonna en écho dans la pièce. La dernière chose que ses yeux avaient croisé était ce lui en train de se moquer, souriant encore, grimaçant toujours, se foutant de lui ouvertement. L’accusant ouvertement.

Inspirer. Expirer. Une fois. Deux fois. Lentement. Doucement. Son cœur s’affolait dans sa poitrine, sa gorge était sèche et il tremblait. Inspire. Expire…

« -Jae…Joong… »

Comme un sifflement malicieux sur une mélodie de comptine, son nom venait de briser le silence de sa respiration seule. Son nom, mais plus angoissant que cette avertissement faussement joyeux, la voix qui l’appelait comme on appellerait quelqu’un en sachant déjà où il se cache ; Cette voix… sa propre voix l’interpelait.

« -Jae...Joong…je sais que tu es…là dedans ! »

Sur ces derniers mots, la porte trembla sous la force d’un coup et d’un coup seul. Violent. JaeJoong dans sa prison sursauta, sentant son cœur lâcher.

« -oh ! Le vilain méchant petit garçon...ouvre moi… »

Cette voix, si sienne sans l’être, si semblable, si familière pourtant sonnait tout autre. Froide, perçante, glaciale, il en avait… Peur. Que se passait-il exactement? Cela n’avait aucun sens ! Cette voix, n’avait aucun sens. Cette…chose dans le miroir n’avait aucun sens. Cette peur n’avait aucun sens. Rien n’en avait. Rien. Rien. Absolument rien !

« -OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE ! »

Des coups furieux suivirent cet éclat qui résonna en écho jusqu’à l’âme de JaeJoong qui se couvrit les oreilles, désirant fuir ce bruit insoutenable et cette réalité soudain infernale.

« - va t’en, va t’en, va t’en… »

Une prière à peine chuchotée. JaeJoong assis désormais sur le siège rabattu des toilettes se balançait d’avant en arrière, ses deux jambes serrées devant lui, ses mains résolument claquées de chaque côté de sa tête, protégeant son être de ce qui se passait.

« -va t’EN, va T’EN, VA T’EN ! »

Et le silence se fit. Plus de coups, plus de cris. Silence…

D’un geste lent, JaeJoong écarta ses mains de ses oreilles et rouvrit les yeux, le corps toujours tremblant, baigné de sueur froide. Ses jambes menacèrent de se dérober sous lui quand il se releva, mais il tint bon. Fébrilement, ses doigts se posèrent sur le verrou gris…et il hésita.

Et si c’était…réel ?

Ses doigts s’écartèrent vivement comme brulés par le froid du métal. Repliés dans sa main à moitié fermée, il les fixa et soupira, mais l’air dans ses poumons resta bloqué. De son autre main, il saisit son poignet droit et força son geste avorté. Le déclic se répandit encore une fois dans la pièce, arrêtant le cœur du jeune homme pendant un millième de seconde. Sa respiration reprit alors, bien que saccadée. JaeJoong contempla le loquet désormais ouvert, les yeux vides. Ses bras retombèrent le long de son corps, lourds.

La porte grinça, s’entrebâillant de quelques centimètres. Le regard où se peignait encore la terreur de JaeJoong scanna l’endroit, inquiet. Il n’y avait rien. Respirant enfin il poussa l’accès et avança d’un pas hors de sa cachette, faisant résonner ses talons sur le carrelage.
Il ne daigna pas croiser son autre dans le miroir.

Se rapprochant des lavabos, il remarqua qu’il y en avait un d’ouvert. C’était lui qui l’avait laissé ainsi dans sa fuite. L’eau s’écoulait en un petit filet transparent. Il y passa un doigt, c’était agréablement froid. JaeJoong sentit son corps se détendre à ce contact apaisant. L’eau était définitivement son élément. Il ouvrit largement le robinet et le jet blanc tomba dans ses mains jointes. Il laissa le liquide glacé glisser entre ses doigts, ne le quittant pas des yeux.

« -On fait trempette ? Pitoyable JaeJoong… »

La main du coréen se crispa sous le robinet. Non ! Ça n’allait pas recommencer…

« -Allez petit garçon…regarde toi, regarde moi…regarde comme tu es laid ! Comme tu ne sers à rien ! Comme tu handicapes les autres ! Comme tu n’arriveras jamais à rien de bien ! REGARDE COMME TU N’ES RIEN ! REGARDE COMME TU ES PITOYABLE ! »

JaeJoong se vit trembler sous cette voix si cruellement sienne. Il ne se maitrisait plus. Plus rien de cet être de perfection qu’on se plaisait à voir en lui, qu’on lui avait appris à montrer en étant distant à l’attitude glaciale, plus rien de ce faussement naturel n’existait en cet instant d’effroi irréel. Sa tête se mut d’elle-même et son regard troublé croisa le sien.

« - Ah ! Voilà qui est mieux. Bonjour mon très cher double. »

Ce sourire, si suffisant, cette attitude, si hautaine et tout ce mépris…Tout ce mépris, dont ces yeux miroitaient sombrement. Ces yeux qui le perçaient profondément, l’immobilisant sur place. Gelé. JaeJoong était gelé.

« -JaeJoong…le Héro ! »

Il s’esclaffa dans sa prison de glace. Riant encore et encore. Un rire abominable. Un rire qui déchira le peu de courage qui restait en JaeJoong ; Une larme se dessina sur sa joue pâle, puis une autre, et une autre…

« - Oh mais tu pleure petit garçon pitoyable ! Tu es si fragile ! Si inutilement fragile…Comme cette jambe qui te fait toujours mal. On devrait peut être te l’amputer non ?! mmh oui c’est une bonne idée tu ne trouves pas JaeJoong ? Tu arrêterais de danser si gauchement et ils ne mettraient plus des heures à refaire les même petits pas, si simples, si ridiculement faciles, pour que le Héro suive le rythme. A douleur fantôme, jambe fantôme ! Ça ne te fera même pas mal…malheureusement. »

JaeJoong porta une main à sa jambe anciennement blessée, comme pour s’assurer de sa présence. Elle était encore là. Cette jambe qui l’empêchait encore de faire comme les autres. Stupide peur ! Stupide jambe ! Stupide…lui. Oui, lui, pas l’autre du miroir, mais bien lui. Il aurait dû faire plus attention, il aurait dû mieux la soigner. Lui et sa stupide envie de gloire, sa stupide peur d’être oublié, stupide connerie d’être effacé.

« -Tu as vu le désespoir sur la tronche de ce pauvre Yunho hein ?! Ce mec qui t’a toujours défendu, ce mec qui supporte tes gaffes, ce mec qui t’a engueulé, il n’y a même pas une heure. Ce mec qui en a marre de te voir foutre leurs carrières en l’air ! Toi le petit chouchou de SM, prétendu canon de la Corée du Sud. Toi qu’on qualifie de magnifique. Qu’est ce que tu es au fond, toi, qu’on prend pour une femme, et qu’on n’arrive pas tout à fait à voir comme un homme malgré ce que tu as entre les jambes ? Tu n’es pas un homme ! Tu n’es même pas une femme…qu’est ce que tu es JaeJoong ? Magnifique, c’est asexué comme adjectif non ? Qui dans le monde de notre beau et grand seigneur est asexué mmh ? Les microbes n’ont pas de sexe distinct non ? Tu es donc un microbe Kim JaeJoong. Un infecte petit microbe infime et tout le monde a un microscope pour te suivre où que tu sois, quoique tu fasses. Petit truc répugnant. Petit garçon minable qui pleure… »

Qui pleure…Oui. JaeJoong pleurait sans retenu devant ces mots pénétrants de vérité. Oui, c’était un monstre de foire, une chose hideuse, un microbe insignifiant qui répandait sa maladie au sein du groupe. Oui. Il n’était rien. Il était sans intérêt. Rien. Le néant.

« -JaeJoong… »

L’interpelé plaqua ses mains contre ses oreilles, secouant la tête de gauche à droite, d’un mouvement rapide et brutal, d’un mouvement incontrôlable.

« - TAIS-TOI ! LA FERME ! CA SUFFIT ! Ça suffit…ça suffit… »
« - Hey Joong ! »

La main qui se posa sur son épaule le fit sursauter violement. Ses yeux rencontrèrent un regard inquiet. Yunho. Son meilleur ami, son meilleur soutient. Il se jeta dans ses bras, recherchant sa protection, recherchant son réconfort, cherchant un endroit pour se cacher. Comme on le ferait en accourant près d’une mère ou – en l’occurrence – d’un père. Et il pleura, sans larmes cette fois ci. Accroché à ce père de substitution, il trembla, gémit, renifla, murmura des choses qu’il ne comprenait pas lui-même. Il mit son âme à nu, baissant toutes les barrières de l’apparence.

« -JaeJoong… »

Doucement, la voix du leader, ainsi que sa main caressante de réconfort sur son dos, le calmèrent. Mais il ne bougea pas pour autant. La tête enfouie dans le torse de Yunho, les yeux clos, l’enfant se refusait à quitter ce lieu empli de sécurité.

« -Viens, on doit y aller, les autres vont s’inquiéter. »

Les autres. Il y avait les autres. Les autres qui l’attendaient pour continuer. Et lui était là, retombant dans les méandres de l’affligeante gaminerie de l’enfance. Résolument, il s’écarta des bras rassurants et se dirigea vers le robinet encore ouvert. Il effaça les traces de ce moment de faiblesse et rencontrant son reflet se vit bien lui-même. Froid. Masque de glace et de comme il faut.

« -On y va. »

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